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(Feuilleton) Dans la forêt des jours de Jacques Robinet, 5


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Posté 17 mars 2020 - 05:14

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><strong><br />Dans la forêt des jours*</strong></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';">Un nouveau feuilleton de <a href="https://poezibao.typepad.com/poezibao/"><em>Poezibao</em></a>, <em>Dans la forêt des jours</em>, de Jacques Robinet. Comme une suite à <em>La Monnaie des Jours</em>, le livre que les éditions de La Coopérative ont publié à lâautomne 2019. Chaque parution est accompagnée dâune Åuvre de Renaud Allirand. <br /><br /><span style="font-size: 10pt;">*titre emprunté à un poème de <em>La Nuit réconciliée</em> de Jacques Robinet, livre de poésie paru aux éditions La Tête à lâenvers en 2018</span><br /><br /><br /><a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2025d9b3d6768200c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false"><img alt="1452 (002)" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e2025d9b3d6768200c img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2025d9b3d6768200c-600wi" style="width: 600px; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto; 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="1452 (002)" /></a><br /><br /><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: center;"><strong><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';">Dans la forêt des jours, 5</span></strong></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br />7 juillet 2019 â Il y a vingt-huit ans⦠Câétait un dimanche comme aujourdâhui. Tu agonisais loin de moi. Le temps nâexiste plus. La mort lâa étouffé. Heure par heure se déroule ma course vers toi. Tu mâattendais sur un brancard. Le soleil éblouissant traversait une fenêtre, faisait briller tes cheveux blancs. Jâai écrit tout cela : la douleur indicible dâun tel arrachement. Je devrais me réjouir du peu de temps quâil me reste pour te rejoindre, mais ma foi trébuche sur les mots usés. Les promesses incertaines ne calment pas les lourds chagrins dâenfant. Ton silence mâoppresse. Peu de temps avant ton départ, tu mâas demandé doucement : « Crois-tu vraiment quâil y ait une vie après la mort ? » Je te savais très pieuse et ce doute mâa surpris. Les apparences sont trompeuses. Jâignorais que tu me fusses si proche, jusque dans cette solitude où tu errais comme moi. Où es-tu aujourdâhui ? Je regarde le ciel, cette douceur de la vie qui étreint les arbres quand monte le soleil. Un oiseau a chanté, bien que la saison des amours soit passée. Lâété construit ses nids. Les couvées sâinstallent. Tu as connu cela : le silence de lâattente quand je mûrissais en toi. Peut-être vais-je renaître bientôt de ce silence, de cette longue veille, dâune très longue absence où tu demeures si présente. Peut-être⦠il ne me reste que cela : ce balbutiement, comme à lâorigine, ces paroles enchantées dont tu me berçais. Câétait en espagnol et parfois en français. De cette langue rauque, paternelle, sévère, jâaimais que tu fasses chanter les « r ». Ta voix roulait les pierres, libérait les ruisseaux. Je retiens en moi cette douceur qui me protégeait du froid dans Paris occupé où chacun se terrait. Te souviens-tu : jâétais devenu ta lampe dâAladin dans la cave obscure. « Tesoro » disais-tu et la nuit glaciale sâilluminait. Rien ne change vraiment. Jâattends ton retour. Entrerons-nous ensemble dans le Royaume enchanté ? Je le saurai bientôt, ou jamais.<br /><br /><br />10 juillet 2019 â Passé le temps des deuils, on se surprend à respirer à pleins poumons comme un noyé parvenu à remonter sur la rive. Décrire sans fard lâintensité du bonheur quand le présent à nouveau sâempresse autour de nous avec une sollicitude imprévisible. Surtout faire le vide en soi, essayer de ne plus penser à rien, repousser à la fois le passé et lâavenir, nâêtre plus quâouverture du regard, des lèvres, du cÅur. Sâoffrir à la lumière quelle quâelle soit : grise ou bleue, celle de lâinstant qui sâoffre. Penser quâelle nâest pas assez belle, câest ruiner sa douceur et remettre en marche la machine infernale qui nâa dâautre fonction que de briser notre élan. Mieux vaut fermer les yeux et sâavouer que pour une fois on ne souffre de rien, ni du corps, ni de lââme, cette tourmenteuse toujours à lâaffût. Le temps des regrets et des attentes est prié dâattendre derrière la porte. Je regarde cette pièce que jâaime, les livres, tableaux et objets que les années y ont déposés. Jâéprouve la force du lien tissé avec cet environnement qui me permet de mâabandonner sans crainte, ni culpabilité, à ce que jâappelle la beauté, parce que câest celle que jâai choisie. Je me réjouis de ce que jâai appelé ailleurs : la monnaie des jours. Mille reproches battent pourtant des ailes : comment oses-tu te réjouir alors que le malheur du monde frappe tes murs ! Je les écarte, je ne veux plus de cette honte qui nous obligeait à finir notre soupe au prétexte que les petits chinois sâen seraient délectés, eux qui mouraient de faim si loin de nous. Il faut en finir avec cette usure de la joie ou de la beauté corrodées par la haine de soi-même ! Effort toujours à reprendre pour accéder à la clairière, prise dans lâobscur de nos terreurs. Écrire ces évidences fait du bien. Nous aurons probablement, à rendre compte de nos fautes, mais plus encore dâavoir si souvent rejeté le don sans repentance de la vie. <br /><br /><br />14 juillet 2019 â Si je veux éprouver la torture ressentie par le riche qui mendie une goutte dâeau en enfer, il me suffit de lire un poème de Béatrice Douvre.<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> Ici chaque mot se fait braise, vol dâoiseau poursuivi par les flammes, « bouches dâécume » â¦  On frémit dâadmiration et dâeffroi devant cette possédée du verbe. Le ciel et lâenfer entrent en collision comme des comètes prises de vertige. Douleur et joie crépitent dâun même bois. Comment oser écrire après avoir été frôlé par cet incendie ? Si loin de nos sagesses ces chants dâanges en détresse ! Elle nous dénude sans pitié et nous laisse boiteux comme Jacob après son combat dâune nuit contre celui qui refuse de livrer son nom. Jamais la poésie nâa atteint une telle fulgurance à notre époque. Béatrice Douvre est peut-être seule à avoir rejoint Rimbaud dans son extrême solitude, sa transe sans retour, la fusion de ses mots avec la musique. Il faut se saisir de ses poèmes comme de brandons enflammés. À lire avec prudence si on prétend écrire encore ! <br /><br /><em>Jâai construit des vertiges interminablement, des feuillages, jâentrevoyais des mystiques, des anges boisés, des vitraux assiégés de saintes.<br /></em><br /><br />9 octobre 2019 â Déjeuner avec Jean-Yves Masson et Philippe Giraudon, mes imprudents éditeurs <em>de La Coopérative</em>. Ils mâapportent quelques exemplaires de <em>La monnaie des jours </em>qui doit sortir prochainement. Je tourne avec stupeur et étonnement les pages de ce livre écrit au fil des ans. Ainsi voici ma vie la plus intime livrée à des lecteurs inconnus. Tant dâimpudeur mâeût semblé impossible autrefois. Désormais tout mâindiffère et ce livre lui-même déjà sâéloigne de moi. Nous varions dâheure en heure, en laissant se refermer derrière nous le léger sillage où flottent un instant quelques traces de notre passage. Seul devrait compter « le bel aujourdâhui » sans fin menacé par nos sautes dâhumeur. Surprendre la lumière qui cherche à se glisser sous ma porte, ne pas me fermer à lâespérance, rendre grâce pour lâamour qui mâaccompagne, partager la douloureuse gésine de ce monde. Tout le reste est dérisoire.<br /><br />â Écrire encore pour faire reculer la mort. Ainsi entoure-t-on de prévenances les tyrans pour échapper à leur regard. Faire monter les rumeurs de la vie au pied de ses remparts, agiter crécelles et tambourins pour lâétourdir, tout en sachant bien que câest nous seul que nous étourdissons. Ferme les yeux, imagine la multitude qui quitte ce monde et celle qui ouvre les yeux en cet instant, prends la mesure de ton insignifiance et garde ton âme en paix.<br /><em><br /><br /></em>11 octobre 2019 â Je feuillette mon nouveau livre. Certaines pages me surprennent. Qui les a écrites ? Je ne retiens que cela : la voix inconnue qui brusquement se glisse entre les lignes pour me confier un message. Quâil sâagisse dâun appel à la confiance ou à rendre grâce pour la beauté de ce monde, je crois y reconnaître le Souffle qui, né de lâabîme, « plane sur les eaux ». Cela seulement mâimporte : la traversée de la nuit, la création de lâaube, la joie préservée «â¦ et Dieu vit que cela était bon ». Si dâautres que moi pouvaient entendre cela en parcourant mon livre, je ne lâaurai pas écrit en vain. <br />Surprise de lâorpailleur qui trouve une bribe dâor au fond de son tamis.<br /><br />â Comment ouvrir le Journal sans que le chaos aussitôt sâinstalle ? Pendant quâun dément, devançant la procédure dâimpeachment lancée contre lui, éructe sa rage à Washington pour se faire réélire, ses alliés kurdes, lâchés du jour ou lendemain pour plaire à son électorat populiste, sont pris sous le feu dâun autre paranoïaque et nationaliste aux abois. Ainsi Erdogan sâinfiltre dans la brèche ouverte par Trump, pour ajouter à la confusion du brasier syrien dont la Russie attend de tirer les marrons. Deux pages plus loin, on nous annonce que lâenvironnement méditerranéen est plus menacé que le reste de la planète par le réchauffement climatique. Avec forces détails et comptes -rendus dâétudes très sérieuses, on nous promet à très court terme la fin du berceau de notre civilisation. Courez à Venise, elle sera bientôt engloutie !<br />Appels à grands cris de vigie dans le brouillard. La terre entrevue câest lâEnfer, portes grandes ouvertes, qui se démasque. À quoi bon prendre la relève de ces clameurs qui montent de partout sans troubler ces rapaces incultes qui nous gouvernent. Des feux innombrables sâallument sans troubler la Bourse, le nez rivé à son écuelle dorée. Les hommes ne sont probablement ni meilleurs ni pires que dans le passé, mais voici le temps de payer les inconséquences dâune démographie effrénée, dâune technologie sans entraves, de lâargent roi, de dirigeants sans vision. Sentiment que plus rien ne pourra freiner cette course à lâabîme. Accablé, on referme le quotidien du jour en attendant celui du lendemain qui enfoncera le clou. Les annonces ricochent comme des boules de billard devenues folles. Elles allument des étincelles en sâentrechoquant. Les pompiers sont partout. Sur leur passage, les incendies se rallument. Chacun esquive au mieux la flamme la plus proche comme les kurdes qui soupirent de soulagement quand la bombe tombe à cent mètres de chez eux.<br />À quoi bon continuer ? Jâai honte de mes cris de souris et de cette indignation dâaprès-déjeuner. Imposture de cette agitation qui fait des remous dans le vide. Une voix honteuse me dit que demain je vais mourir, que je ne verrai pas sévir la tornade qui approche, quâil faut profiter jusquâà la dernière miette du banquet qui se prolonge, malgré les émeutes de la faim et de la terreur qui se profilent. Politique de lâautruche. Ne pas faire semblant dâêtre plus conscient ou vigilant que la masse inerte et fataliste dont je fais partie. Plus lucide peut-être, ce qui ne fait quâaggraver mon malaise et ma mauvaise conscience. Jâai plus dâestime pour ceux qui, incapables de réagir, ne font pas semblant.<br />Oh ! pouvoir sâabstraire de la folie des hommes acharnés à se détruire, et la planète avec eux. On aimerait ne plus rien savoir, se confondre avec le cycle des saisons, vivre chaque jour avec la candeur dâune plante qui sâouvre au soleil ou à la pluie, qui nâexige rien et se satisfait de ce que le destin lui octroie⦠ Je les regarde ces arbres souverains qui savent mourir sans faire de bruit, de même ces animaux qui nous entourent, agressifs seulement quand la faim les pousse, ou dâavoir été dressés à tuer par lâhomme. Ils nâont pas à rougir dâêtre ce quâils sont. Chacun à sa place joue sa fonction. Surprenante innocence ! Mais, inutile de se lamenter plus avant, jâappartiens à lâespèce pervertie. Notre terre soulagée se réjouira de notre disparition. Arrête de rabâcher !<br /><br /><br />12 octobre 2019 â Je sors, mes pas me mènent où ils veulent et ils ne veulent quâune chose : retrouver les mêmes trottoirs, mille fois parcourus. De la rue Falguière, je descends vers la Seine, en faisant la même halte devant le 104 rue de Vaugirard ou jâai été résident le temps dâune année scolaire, avant de rejoindre le séminaire de lâInstitut Catholique, quelques centaines de mètres plus bas. Combien de fois aurai-je regardé la haute fenêtre dâoù je me penchai un soir sans oser me jeter ! Hommage rendu à lâétudiant fou dâamour et de désespoir, je poursuis jusquâà la Chapelle des Carmes où je rentre humer la vieille odeur de paille séchée et dâoraisons rancies. Le manteau dâElie qui flotte dans la grande fresque sous la coupole me tombe, comme à chaque fois, sur les épaules. Je le dépose en sortant, à la fois soulagé et meurtri dâune promesse trahie. Ne restent que quelques pas pour parvenir au jardin du Luxembourg qui, de lâenfance à aujourdâhui, retient autour de ses fontaines toutes les époques de ma vie. Faire des jardins du Sénat mon domaine, peut sembler prétentieux. Il nâen est rien, je suis vraiment ici chez moi malgré la foule qui déambule dans les allées. <br />Par désÅuvrement, je rentre dans le Musée où on expose les peintres anglais du dix-neuvième siècle. Ces grandes commandes passées à Reynolds, Gainsborough et quelques autres rivalisent dâennui. On sâamuse de la fatuité de cette « élite » fortunée qui rehausse ses traits disgracieux de somptueux atours. Leur regard se perd dans le vide ou, plus grave, minaude sottement pour attirer lâattention. Tout cela fade et creux. On sâattarde pourtant au métier des artistes, à la légèreté de leur touche, à la splendeur des coloris. Deux petits tableaux me retiennent longuement : le portrait dâun jeune-homme, neveu de Thomas Gainsborough qui fut, nous explique-t-on, son seul véritable assistant et élève. Lâartiste était-il amoureux de ce beau visage quâil avait accroché dans sa chambre pour lâemporter dans sa mort ? Sous les boucles qui cernent un ovale parfait, le regard interrogateur semble attendre une réponse qui est déjà contenue dans la main qui le caresse de son pinceau. Plus loin, un autre petit tableau du même peintre avec un premier plan dâarbres ouvrant sur une construction lointaine, le tout comme enfermé dans la nacre dâun coquillage où ciel et terre se confondent dans une lumière argileuse qui devient gris perle en se perdant vers lâOuest. Ces deux peintures gardent une douceur mélancolique et automnale. Dans le second, seules deux petites silhouettes, à peine esquissées semblent déambuler par effraction dans ce paysage enchanté. Bonheur du peintre, débarrassé pour un temps de ses riches mécènes, enivré de se perdre au fond dâun sous-bois.<br />De cette exposition je retiens dâabord la volonté de maîtrise dâun siècle peu enclin aux débordements. Chacun tient sa place, adultes ou enfants obéissent au même conformisme sans débraillé. Une volonté de calme et de non-dit règne sur les lieux et les visages. Non-dit car rien nâapparaît ici des tumultes et souffrances dâun monde en pleine industrialisation. Où sont les enfants des mines et les travailleurs aux quatorze heures de labeur quotidien, où David Copperfield, où les affamés ? Qui se soucie de tout cela dans ces tableaux sages et vaguement ennuyés dâavoir à tenir la pause pour éblouir la postérité.<br />Câest au fond le même monde que je retrouve en sortant dans la rue. Les enfants silencieux font le tour des allées sur des ânes résignés, semblables à ceux qui me promenaient dans ces allées, autrefois. Tournant le dos au grand bassin, devant les bordures fleuries, une ravissante jeune-femme vêtue dâune longue robe en mousseline blanche, semble poser pour ces peintres disparus, en faisant face à la caméra qui la harcèle. Le même apparent détachement, la même réserve triomphante, â mais celle-ci semble moins sotte et son visage rayonne de plaisir.<br />Pensé à tout cela en rebroussant chemin par des rues sans surprises où, comme nous lâa rappelé récemment, avec raison, notre cher président, nous ne prenons pas le risque de cohabiter avec les expatriés de la misère, auxquels nous offrons bien volontiers notre sollicitude virtuelle. Il nous suffit, pour les accueillir si généreusement, de les savoir parqués où les déshérités se rassemblent et sâirritent dâêtre submergés par encore plus pauvres quâeux. Paris mâest depuis toujours une île qui déborde de peu celle de la Cité. Je ne quitte guère ses rivages fortunés. Cette exposition du dix-neuvième siècle mâoffre, à peine décalée, lâimage satisfaite du milieu qui est le mien. Traîne quelque part dans ma famille le tableau peu réussi dâun peintre de notre temps que mon père avait sollicité pour faire le portrait de son épouse. Marzelle, qui nous a laissé de très beaux paysages post-cézanniens, ne vaut certes pas Reynolds, mais obéit à la même requête qui aboutit à ces postures sans âme, immobilisées dans leur sourire figé.<br />Notre époque a voulu rompre avec ces artifices. Y est-elle parvenue ? Peintures convulsives, tapageuses et provocantes de toutes sortes ont cru faire tabula rasa de tant dâhypocrisie. Dâavatars en avatars on a fini par lâcher aux marchands les clones dâune humanité en lambeaux pour mieux redorer lâinvulnérable veau dâor qui triomphe à tous les coups. Seules les grimaces changent. Le réel résiste. La beauté ne peut être de façade. Elle palpite et se réfugie dans ce petit paysage tout doré de lumière indécise ou sur le visage adolescent qui lentement se dévoile au pinceau dâun peintre amoureux. Nous cherchons lââme dâun artiste, non pas ses habiletés techniques soumises aux modes de son temps.<br />Peu de monde dans les salles de cette exposition bouffie de suffisance. On sâagglutinait en revanche autour des aquarelles de Turner et de quelques petits tableaux, pleins dâun rêve inachevé. Les grandes machines, celles concassées dâaujourdâhui ou trop léchées dâhier, nâappellent que le vide et le retrait. On ne devrait pas, comme je lâai fait, être aussi attentif au représenté, au risque de négliger ces artistes prodigieux. Il faudrait oublier lâaspect de ces visages, ne retenir que le pli dâune robe, le dessin dâune main, la couleur de la terre, un ciel qui sâirise⦠Jâai réagi comme un sociologue importuné dans ses croyances.<br /><br /></span><span style="font-size: 10pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond', 'serif';"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Béatrice Douvre â Poèmes â LâArrière-Pays â p.32<br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/7WKGw1vuMzA" height="1" width="1" alt=""/>

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