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(Anthologie permanente), Joël Vernet, L'oubli est une tache dans le ciel


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Posté 17 mars 2020 - 03:10

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br />Joël Vernet publie <em>Lâoubli est une tache dans le ciel</em> aux Editions Fata Morgana. <br /><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: right;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><em>La solitude me permet de connaître</em><br /><em>le grondement énorme de ma vie.</em><br />Jean Giono<br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><strong> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...2dc95200d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Joël Vernet l'oubli est une tache dans le ciel" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4f2dc95200d img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4f2dc95200d-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Joël Vernet l'oubli est une tache dans le ciel" /></a>La maison où vivre avec le silence</strong><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';">Jâai rêvé dâune vie engloutie dans la neige, dans la nuit, le contraste du noir et blanc étant pulvérisé par mes songes, la lumière du réel. Il me semble vivre depuis des siècles loin du monde, dans un village si retiré que son nom nâexiste même pas sur les cartes contemporaines. Jâai vécu ici mille saisons, à lire, à écrire, à ne rien entreprendre, dépourvu de toute visite. Au bord dâune fenêtre, à regarder passer les nuages, à écouter les moindres bruits. Dans un jardin si étroit, jâai eu des rêves immenses : la maison elle-même prenait des dimensions irréelles. Elle en devenait géante. Pourrai-je un jour la quitter, mâéloigner dâelle, la remplacer par un autre abri ? On me visite peu, très peu. Parfois je me hasarde au-dehors, partant marcher dans la montagne ou voyageant très loin, à lâautre bout du monde. Partout, je sais retrouver mes semblables. Je rêve, lis, tout à lâécoute de lâinfini bruissement. Des carnets brillent au soleil sur le coin dâune table ou sur la souche abandonnée sous lâarbre unique du jardin, planté dans un autre temps envahi de nuages. Les carnets sont mon seul espoir. Est-ce une vie cela, dévolue à la seule contemplation ? Les actifs de tout acabit me sermonnent, jalousant sans doute mon pouvoir de savoir vivre ici, loin de toutes les nuisances pourrissant lâUnivers ! Des années à côtoyer le silence mâapportent un alphabet nouveau. De la fenêtre, je vois passer les vivants ; parfois certains sonnent à ma porte. Je les reçois avec grande courtoisie. Nous parlons de la pluie et du beau temps : ce sont les plus riches conversations. Des morts aussi viennent jusquâà moi. Ils ont toujours été à mon égard dâune rare franchise. Jâai conservé quelques-unes de leurs phrases légèrement désenchantées, leur humeur drôlatique nous ramenant toujours à la brièveté de cette vie. Les morts sont dâun humour inestimable : on ne la leur fait plus. Certains me sont inconnus, mais jâai souvent le sentiment de les fréquenter depuis longue date. Ils sont ouverts, bienveillants, ne réagissent pas au jugement, à la morale. Ils apparaissent, disparaissent. Je mâincline devant eux, souvent dans un paysage dâune telle beauté que mes yeux nâen peuvent plus supporter lâéclat. Jâécris pour être un peu moins seul dans la vaste maison : les poèmes sont des compagnons inestimables. Un rouge-gorge annonce sa visite contre la vitre. Son cou fait comme un éclat rouge ou roux sur la fenêtre. Câest un signe apparaissant au crépuscule. Il mâaidera à entrer dans la nuit, tandis quâun chat alarmant rôde dans le jardin, guettant la proie que je ne serai jamais. Quant au rouge-gorge, il est le plus malin. Je vois lâombre du chat sâen allant sur le muret, penaud. Lâoiseau volette maintenant au-dessus de nous dans lâobscurité profonde. Durant ces jours et ces nuits, je me suis émerveillé dâun rien, de la splendeur de petits événements venant frapper à ma porte afin de savoir si quelquâun était bien là, présent, disponible. Jâai répondu oui, sans hésitation. Être présent dans sa propre vie, câest bien le moins, non ? Tandis quâau loin tant dâhommes roulent dans la boue, sidérés, se pliant à la vie courante. Ma solitude est un navire sâen allant partout. Dâici, je vois le monde entier. Les reproches que lâon mâadresse, je les entends comme une chance, une sorte de miracle. Maître de mon temps, je ne rends des comptes quâà la vie éblouissante. <br /><br />*<br /><br /><strong>La fatigue<br /></strong><br />La fatigue est une chance dès le matin, à vos côtés comme une ombre. Elle vous suit pas à pas, vous impose de vous asseoir au bord des chemins. La fatigue étrangement, vous confie un autre regard, un regard à lâacuité suprême. La fatigue nâest pas le désespoir. Elle est la haute exigence dâappréhender ce monde tout autrement, de le voir de manière inédite. La fatigue, loin de ralentir la vision en accroît la pertinence. Souvent, écrire quelques phrases vous demande beaucoup. Pourtant ce nâest rien une phrase, de la poussière de mots. Les laisser courir sur la page est tout votre travail. Faire semblant de lâcher la bride. La fatigue est à lâÅuvre là aussi quand le soir descend jusquâau fond de la maison. Que le noir sâentasse au fond des armoires, que les objets se diluent dans les pièces sombres, que sâefface la silhouette du chat. Au crépuscule sur le rebord de la fenêtre, il est une vérité pure, son noir se diluant dans celui des ténèbres. A lâaube il ronronne entre mes jambes, étirant ma pensée vers les cimes, se jouant des lassitudes. Jâaime cette tendre patience. La fatigue ressentie alors est une douce chose, peut-être une forme de paix, de quiétude, tout le contraire du sommeil ou de lâindifférence.<br />Mais ce nâest pas une lasse fatigue, tout au contraire. Plutôt une fatigue lumineuse, invitant, sur les chemins, à la découverte : sâasseoir sur une pierre, attendre et contempler. Reprendre la vieille route, pour lâavenir. Sentir lâimpulsion monter dans la veine des mots, qui nous met tous en marche ou en suspens. Retrouver le souffle dans les premières lumières dâun sous-bois... et voir dans cet élan et cet éclat un chevreuil disparaître, pour en rapporter lâimage et la laisser vibrer à la clarté des lampes. <br />(63-64)<br /><br />Joël Vernet, <em>Lâoubli est une tache dans le ciel</em>, dessins de Joël Leick, Fata Morgana, 2020, 80 p., 14â¬<br /><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/hEdBsLY03Nc" height="1" width="1" alt=""/>

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