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Empire du rouge


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#1 En hoir de Loup-de-lune

En hoir de Loup-de-lune

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Posté 20 mai 2020 - 12:32

(Note : Nous nous souvenons de cette après-midi-là, une après-midi de l'arrière-saison. À l'hôpital, une triade de cancérologues du sang prononçait des phrases lentes, graves... la voix changeait à peine de l'un à l'autre... Et tout à coup Loup-de-lune les a interrompus avec deux mots d'une ineffable douceur, presque sourieurs : Ça suffit. Ces deux mots étaient aussi comme le résumé d'une certaine philosophie de vivre. Sur le chemin du retour, nous avons épuisé toute la gamme des silences et des pudeurs, au sein desquels se cristallisait cette préoccupation unique de mon amie et qu'elle finit par me communiquer ainsi : "Nous devons trouver le moyen de laisser la chère grand-mère dans la complète ignorance de tout cela." Car Loup-de-lune avait déjà anticipé la suite des évènements, et "afin que Mademoiselle LIN soit rejointe", comme le titrent les soixante-six derniers poèmes de son blog, la sépulture de cette dernière, à Zhoushan, dans le Zhejiang, en Chine, devait être inévitablement descellée, et l'autorisation de grand-mère LIN était indispensable. Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur la solution qui fut finalement trouvée. Mais nous nous permettons d'insister sur le dilemme... quel authentique dilemme humain ce fut là !... À notre retour de l'hôpital, un étonnant soleil baignait la "chambre imagière". Une lumière éclatante venait comme fluidifier les géométries rouges du tapis... une lumière tellement plus solidaire qu'ironique ! Loup-de-lune la contempla longtemps, puis leva les yeux vers un tableau représentant un paysage de neige comme immaculé en ces circonstances. Alors elle se mit à écrire le poème qui va suivre. Il est dédié à la chère grand-mère LIN, puisqu'en dépit de l'ascendant du blanc, les nuances rouges du "textile" proposèrent, quelques durables instants, quelque chose comme "l'impérieux reflet d'un miracle possible"... Loup-de-lune n'abusait pas, loin s'en faut, des octo-, déca- ou autres dodécasyllabes auxquels elle réservait des rôles très précis dans l'articulation du texte. Ainsi, nous souhaitons à ce stade partager des remarques sur trois alexandrins présents dans "Empire du rouge" : le premier "le tremblé des faisceaux qui libèrent les sangs" avec son harmonieux découpage de syllabes 3/3//4/2 rend bien cette parenthèse de sérénité devant "les rouges comme se mettant à fluer" ; le deuxième apparaît à la fin "ses angles après un spasmé d'efflorescence" dans lequel nous percevons bien que le rythme est plus irrégulier que dans le premier alexandrin, que la césure ne peut être placée ici au beau milieu du vers: c'est la vision des angles du tableau qui "s'éthérisent", sur le point de laisser passer le blanc ; relevons le mot "spasmé" qui répond au mot "tremblé" dans le premier alexandrin, mais en occupant une position précisément bien plus "spasmodique". Le troisième alexandrin est le dernier vers du poème "aux fins de quadravalancher la confluence", encore plus chaotique avec un rythme ou une arythmie 2/6/4 renforcée par le néologisme "quadravalancher": le blanc s'avalanche par les angles désagrégés à l'assaut du rouge, et il est question d'interdire, au sens d'étonner, autant que faire se peut, avec un vocable soudain insolite, la réalité du déferlement de la leucose.)



Empire du rouge



Pour grand-mère LIN
林 晓玫



les plus obsesseurs tourmenteurs
jusques aux cristallins
les plus photoclastes
partis traquer le principe


elle
linéament du tranquille
et féale de l'effet
contemple sur le textile
le tremblé des faisceaux qui libèrent les sangs

un ruisseau de nuances
où jamais n'achever
ni dauphin bondissant
ni cheval franchissant

où rouler le myocarde
dénudé de sa cadence pallide
immolant à la rubellite
tout aval de galet


le rapide ravit une ombre de saphir
puisque l'étoile s'en prévalut
qu'insensiblement élève
de feuillet en feuillet
la confidence manuscrite


et la toile neigée
qui s'épanche enfaîtage

adret prolongé d'arabesques
noires s'intersectionnant
pour les renversements symétriques
des cardiophanies bées

ses angles après un spasmé d'efflorescence
s'éthérisent
aux fins de quadravalancher la confluence


Loup-de-lune
LIU Bizheng

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