après l'amère victoire,
las des querelles et des combats,
des jalousies et des trahisons,
craignant de retrouver la torpeur,
l'ennui dans son île aux chèvres,
et la modeste et douce Pénélope,
l'aimée, celle qu'il a à peine connue,
dont il a presque oublié le visage,
aussitôt happé par la fureur
et la guerre au-delà des mers,
Ulysse,
plus par raison que par amour,
par fatigue surtout,
cherchera le repos du guerrie
dans les bras d'une femme
de rencontre, qu'il nommera Circé,
sur une île au parfum d'agrumes,
loin des disputes domestiques
et des rivalités des prétendants
que, roi trop longtemps absent,
il aurait eu à affronter à Ithaque
dans ces dix années heureuses,
il rêvera d'aventures improbables,
à la manière des anciens aèdes,
il entendra le chant des sirènes,
la nuit, attaché au mât de misaine,
il bernera le cyclope à l'œil vide,
lui, invincible, et son épieu fumant,
entendra les dépouilles des bœufs
écartelés, hurlants sur l'île du Trident,
il traversera d'innombrables tempêtes,
sera entraîné de Charybde en Scylla,
auprès de Circé rêvera de Calypso,
confondant parfois l'une et l'autre,
enfin, repu d'aventures et de rêves,
menteur héroïque, comme un aveugle
il rentrera en pleine nuit dans son île
.
.
.
et alors
commencera pour lui et son fils
l'invention de la vraie histoire d'Ulysse,
plus vraie qu'aucune autre au monde :
" Tu sauras, Télémaque,
et je ne mens pas ... "