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(Feuilleton) Jeunes et vivants, de Patrice Maltaverne, 2/11


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Posté 19 juin 2020 - 09:14


6a00d8345238fe69e20263ec231c85200c-100wiEn « hommage » à Ivar Ch'Vavar qui avait publié des textes de lui en 2003 dans sa revue Le Jardin ouvrier et en hommage à Jules Verne (beaucoup lu à la maison par son père), ainsi quâà la ville dâAmiens,  Patrick Maltaverne a écrit ce texte que Poezibao a découpé en onze épisodes de feuilleton, à paraître sur le site les lundi, mercredi et vendredi.
Lâensemble sâintitule « Jeunes et vivants », comme les héros de Jules Verne ;
- 77 poèmes car Jules Verne a vécu 77 ans, cela recouvre presque tous les voyages extraordinaires (avec les nouvelles dâun volume comptées séparément) ;
- 31 vers par poème car câest une totalité (le tour dâun mois comme le tour dâune semaine ou dâun monde, pourquoi pas) ;
- les poèmes sont à peu près justifiés, en référence à Ivar ChâVavar, mais je nâai pas voulu quâils le soient complètement, la contrainte étant déjà suffisante pour lâécriture ;
- la plupart des poèmes sont inspirés dâun passage des romans ou nouvelles de Jules Verne, il y a même une citation dans chaque poème (non matérialisée), quâil nâest pas si important de reconnaître.
Patrice Maltaverne anime lâassociation Le Citron Gare ; revue Traction-brabant, Le Citron gare, ou encore ce blog ou celui-là, dédié aux revues. .

Deuxième épisode, poèmes 8 à 14


UNE VILLE FLOTTANTE

Dans les paquebots bondés ça grouille de folies
Les yeux sont des billes changeant de couleurs
Les trajectoires dâhumains parlant des langues
Sâemmêlent comme des électrons qui peuvent
Buter nâimporte quand les uns dans les autres
Le vertige survient entre les ponts différents
Il reste toujours les couleurs qui se mélangent
Elles surgissent des signaux faces de lumière
Qui parlent plus clairement que ces voyageurs
Les lumières artificielles rentrent par les yeux
En ressortent avec la maussaderie des vagues
Une fois montés sur le pont rincés par le vent
Câest le circuit froid secouant par des escaliers
En colimaçon tristes comme des fins de nuit
Lâon retourne se plonger dans les échangeurs
Des boutiques à néons pour plaquages en or
Tout ce qui brille et éblouit les visages alcool
À lâabreuvoir contre un passeport tamponné
Trajectoire de lâarc en ciel certain de plonger
Tandis que lâivresse sâapplique aux démarches
Il faut adopter son rythme à celui du bateau
Cela arrive aussi aux dames en tenue de soirée
Avec des bijoux câest la marche du paquebot
Continuant malgré un ticket jeté à la flotte
À une latitude inconnue de tous ses serments
Faits à la tireuse à bière lâéquilibre se décale
Et lâon parle de celui-ci qui a perdu ses dents
En cognant contre un réverbère embarqué et
On essaye de couvrir le bruit de la techno par
Un ensemble de désirs froids de là des trous
Dans lâharmonie ou des vides dans la mélodie


AVENTURES DE TROIS RUSSES ET DE TROIS ANGLAIS DANS LâAFRIQUE AUSTRALE

Une histoire de géométrie parfois tourne mal
À tirer des angles pour calculer des méridiens
Une ligne invisible choit du ciel directement
La charge électrique est retracée à la seconde
Lâun des scientifiques est frappé par la foudre
Le fluide a pour ainsi dire glissé autour de lui
Il aurait pu brûler et les mesures au compas
Se seraient transformées en une démesure si
Bizarre que les brûlures ne ressemblent pas
À des morceaux de bois elles nous figent en
Des bois morts mais un fulminé nâest pas un
Foudroyé il nâest pas mort il garde tout juste
Un air faussé qui lui fend le visage câest lâarc
Électrique restant tracé peu importe quâil ne
Soit pas tout à fait exact câest moins marrant
Sâil déforme une figure quâil lâa fait ressortir
Dans un tableau de Picasso dans la chambre
Noire du cerveau quelque chose a été bougé
Les murs invisibles ont dû trembler un peu
Ils continuent à subir des vibrations ce sont
Des humeurs ajoutées le décalage est fin lié
À des souvenirs fantômes qui sont revenus
Une charge électrique en supplément qui lui
Donne des maux de tête câest un homme mais
Le monde a beau chercher on ne sait qui est
Son ventriloque et si câest Dieu il a de drôles
Dâidées projetées en lâhomme fièvre car vague
À lââme de ne pas se fixer sur une chose réelle
Si câest ça la science dâun démiurge la somme
De ces douleurs alors autant disparaître bien
Plutôt que dâappartenir à certaine marginalité


LE PAYS DES FOURRURES

Un jour il mâa semblé que ce pays était mal
Les gens sâaffolaient les êtres convergeaient
Vers un même point il y avait vers midi une
Éclipse partielle du soleil par la lune à voir
Certains en avance sur la date avaient prédit
La fin du monde de leurs lunettes énormes
Les personnes se sont retrouvées groupées
Car il ne fallait pas regarder avec franchise
Ce quâil y avait à observer de peur de perdre
La vue tous les objets se sont vus amoncelés
Il y avait quelques animaux un peu perdus
Par la teinte du jour qui tirait vers la nuit
Quelque chose était monté par des étapes
Une ombre en moins secrète et peut-être
Surgie pour nous punir de ne pas sacrifier
À une idole ignorée pour nous être amusés
Dans le dos de dieu qui rajustait son paletot
Sur nos épaules jâaimais bien cette éclipse
Soudain il faisait froid en été seul un voleur
Nâavait pas perdu la tête au milieu du public
Devenu païen par peur si la lune ne partait
Pas lâoccultation pourrait être plus longue
Si seulement cette ombre avait pu changer
Lâorientation des âmes leur faisant prendre
Une inclinaison plus incertaine comme si
Lâombre portée en partie nâétait plus jamais
Impossible à envisager sur une apparence
Si les hommes sâétaient sentis perdus plus
Dâune journée si lâéconomie sâétait arrêtée
Jâaurais peut-être été plus heureux lââme
De lâassemblée entrerait dans le mystère


LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGTS JOURS

À peine commencé le voyage sâest achevé soyez donc plus précis monsieur
Et lâon nâa rien vu que des costumes pressés nâoubliez pas leurs couleurs
Une ribambelle de roulettes dans les oreilles le bruit de valises modernes
Qui auraient pu toujours se reproduire vous nâavez pas dit où vous habitez
Avec le même pavé sur lâhorizon en un mot là dans votre espace intérieur
Une volière à escalator pour les yeux ainsi vous avez aménagé votre studio
Quelques minutes arrachées à un pays pour rien et pas une minute de plus
Lâinventeur de ces folies passe incognito il souhaite ne pas perdre de temps
Le visage fermé il ne peut pas sourire en somme rien de moins communicatif
Que ce gentleman il a mis la climatisation vous ne risquez pas de tomber mal
Il a échappé à toutes les poursuites sâest inscrit à présent dans la virtualité
Car les plus naïfs ne savaient pas que vous étiez en train de les observer
Quâils se poursuivaient entre eux on aurait dit une ronde enfantine des gags
Jusquâà vouloir disposer dâune petite longueur de plus dans un monde fini
Pas le plus rapide mais le plus loin et vous êtes devenu un autre gentleman
Alors vous avez mélangé dans un portfolio des visages dâartistes disjonctés
Vous avez augmenté leur vitesse de défilement à la surface dâun écran géant
Le voyage immobile est peut-être passé inaperçu du public moins attentif
Ils ont fait le tour de la pièce puis ont disparu derrière la bobine de la cloison
Mieux quâils nâeussent tourné dans la même horloge et pendant cette durée
Et ils ne sont pas devenus dingues pendant quatre-vingts jours mais restèrent
Gentils pendant quatre-vingts ans toute une vie à durer sans rien comprendre
Ils nous ont dévissés la tête sur un tapis roulant nouvelle méthode en arrivant
Au générique dâun film ininterrompu câest de lâimage ce nâest que de lâimage
Quâil faut produire des tricycles en transition écologique perdent pas la face
Tous modes de transport insolites les trottinettes du moment que ça passe
Ou les contorsions perchés couchés sur une roue sans écartèlement sur place
À lâintérieur de leur tambour des artistes mal rasés recrutés par subventions
Ils nâont pas manqué le rendez-vous que vous fixez sur leur bande passante
Bientôt ils vont finir par voyager en radeau et vous les regarderez satisfaits
Dérivant pour le sport dans un monde sans aspérités que vous avez inventé


LE DOCTEUR OX

Un jour tout se détraque au dix-neuvième siècle
À part quâil nây a pas dâautos écrasant les gens
Dâavions tombant à la mer avec leur boite noire
Qui pèse telle une enclume au pays des géants
Avec ses légumes dans lesquels on se planque
Ses fleurs où sâenivrer dans un joli conte solaire
Les engrenages des machines sont humains et
Lâon ne rêve pas de machines mais au coucher
Aux instincts débridés qui mettent la sexualité
Sur un piédestal une envie de se répandre dans
Lâaffection vu que la vie nous habille en grand
Que nous ne nous craignons plus dâexagérer
Je rêve de barrages dâairain qui craquent sans
Que la mort soit visible ou du moins si douce
Câest comme la sexualité qui se développe en
Silence les hommes qui se transforment vite
La face cachée de sa folie qui prend le dessus
Un rêve dâexpansion et de liquide mouvant
Mais on ne sait pas quand changent les têtes
Quand est-ce quâelles se font plus cruelles
Personne nâa vu venir lâenvers de la vigueur
Cette accélération incontrôlable oui un duel
Au pistolet la noirceur qui succède à la joie
De nouveaux plis apparaissent aux visages
Je ne peux rien changer à la multiplication
Des pains qui nâest pas un miracle comme si
Un dieu devait se venger des gourmandises
Non la nature ne le supporte pas alors câest
Le retour de lâancienne sagesse lâaccueil en
Noir et blanc si ralenti dans nos vies soudain
Très vieilles qui se calment faut le reconnaître


MAÎTRE ZACHARIUS

Quel romantisme la folie lâa frappé comme
La foudre elle a attendu de sâen prendre
Longtemps à cet homme qui vivait dâorgueil
La folie est souvent énigmatique peut-être
Quâelle cognait à dâautres portes crevant
Ce petit homme de mort heureuse comme
On dégonfle un ballon dans sa chambre
Par un brutal énervement de ses sens usés
Dans les tours dâun vieux château torturé
Gothique où se rendent les tatoués honteux
À son âge il pouvait faire un feu avec ses os
Refuser dâinventer quelque chose dâétrange
Une horloge qui nâarrêtait pas de débattre
Au moment où il fut trop tard pour mourir
Il a quitté sa demeure difficile de lâattraper
Tant il triomphait de racines dâarbres morts
Comme son nombre il nây voyait plus guère
Il nâavait pas le recul pour savoir que lâabime
Insérait sa lame en son ventre il se précipita
Vers la cime du néant dâoù le vieux faisait peur
Aux enfants devenu plus fort que les drames
Il se substitue à eux nâétant plus une histoire
Mais un parcours de vie à éviter face à face
Et le feu commençait à sévir sur son passage
Il nây aurait bientôt plus que de la désolation
Mais comment rattraper la tranquillité câétait
Bien auparavant dâune monotonie dâarchange
Zut on la regrettait car sentir que lâon sortait
Pour mourir parmi les flammes ça nâavait pas
De sens le jouet serait brisé de toute façon et
Ne resterait plus quâun petit tas de cendres


UN HIVERNAGE DANS LES GLACES

Combien de fois nul ne peut échapper au drame
Là ne plus réfléchir aux impossibilités majeures
Câest lorsque lâair vient à manquer que le monde
Habite sa scène de théâtre avec un canapé fauve
Tendu de long en large à lâextérieur les fenêtres
Donnent sur de la glace impossible à pourfendre
La blancheur est comme un univers non dessiné
Car ce nâétait pas un dégel si personne ne pensait
À fuir à la campagne sautant par-dessus les haies
Chemins esquissés au fur et à mesure de lâemprunt
Lâidée même quâune tanière ne pourra tracer quâun
Trou minuscule aussitôt rebouché par la petitesse
De nos vies qui rejoignent la petitesse de nos corps
Il faut manipuler lâau-delà en son masque de blanc
Immaculé quelque chose se situe avant la naissance
Quâil convient de dévisager il ne faut pas dâabord
Être placé dans cette situation sans issue non câest
Impossible à envisager alors plusieurs tentatives
Sont menées peut-être par en haut ou dans la terre
Pas mal dâhommes y survivent pendant des années
Sans compter sur la respiration venant à manquer
On nâa plus quâà faire du théâtre dans cet igloo pas
Le choix avec deux femmes au milieu qui se pâment
Les plaintes montent jusquâau plafond de la glacière
Qui ne les entend pas un jour ils sâextirpent dehors
Nous ne sommes pas mieux lotis nos fenêtres sont
Condamnées électriquement nos volets retombent
Toutes les portes sont verrouillées et personne ne
Réfléchit assez à la part de chance quâil y a à quitter
La touche pause conduisant au néant inexplicable
Avec le souffle qui ressemble à un champignon plat

 

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