dans la nuit, au-delà des collines,
dans l'entrelacs des branches
du grand frêne, surgi des ténèbres,
là où naît tous les matins l'aurore,
un astre géant au coeur incandescent,
ourlé d'ombres sinistres,
un soleil noir sorti tout droit des Enfers
bien longtemps avant l'aube,
pour renverser l'ordre établi aux origines,
détrôner par la force le seigneur et maître
du ciel depuis les Egyptiens et les Incas,
proclamer la mort des Dieux anciens
en ces temps de raves et de Saturnales
et prendre leur place dans notre Panthéon,
effrayer les esprits et les coeurs timides
émergeant, apeurés, du premier sommeil,
avec sa lumière lugubre d'astre moribond,
de soleil trompeur
mais bientôt, l'imposteur, l'infâme,
le traître, affublé des habits d'un autre,
usurpant ses traits, singeant sa beauté,
se dissout en même temps que la brume
et les fines vapeurs de l'été, impalpables
mais qui créent des mirages trompeurs
en déjouant les règles de l'optique,
font, de nains des géants effrayants,
de mendiants des seigneurs magnifiques,
comme ailleurs d'un désert de sable
une oasis, un lac ou une mer
ainsi, jetant bas le masque, exorcisé,
échappant enfin aux griffes de l'infâme,
le monstre reprend les traits de Vénus,
victime innocente de cette mascarade,
l'humble et sereine étoile du berger ,
dépouillée de son triste halo de cendres
et de ses oripeaux grotesques, blafards,
ayant retrouvé avec son identité sa grâce,
sa juste mesure, son éclat incomparable,
aérienne et lumineuse dans un ciel pur,
comme à son habitude précédent l'aurore
le dormeur-éveillé, spectateur effaré, muet
dans ce jeu de dupes, ce théâtre d'ombres,
durant un bref instant, le jouet d'une illusion
et rassuré maintenant sur l'ordre du monde,
retourne, apaisé, au sommeil et à ses rêves