( 5ème étape, en Provence : sous le soleil oblique de l'après-midi, les coureurs vus depuis l'hélicoptère se réduisent à des casques et des dossards sur les maillots, alors que leurs ombres s'étirent et s'animent sur la route en une bande dessinée géante : le reflet prend le pas sur le réel, l'ombre du coureur sur le coureur lui-même )
sous le soleil oblique du Midi
en cette saison brûlante,
loin des autoroutes vrombissantes,
la caravane d'ombres s'étire
sur des chemins désertés,
à travers des paysages immobiles
telle la chaîne des forçats muets
en partance vers une terre inconnue,
dans un temps en suspens,
avec pour seul accompagnement
le cliquetis des fers à leurs pieds
la grande saga de l'été se dessine
sous notre regard, depuis les airs,
tracée au crayon noir à même le sol ,
comme dans un dessin animé géant,
sur le grand écran de nos routes
ils chevauchaient leurs ombres,
déroulant sur l'asphalte brûlant
le film muet en noir et blanc
de leur folle aventure, unique,
avec une mécanique parfaite,
à l'image d'un train sur ses rails
dont on aperçoit le ruban noir
depuis une crête, livré à lui-même
et qui n'arrêterait jamais sa course
avec parfois des gesticulations
soudaines, des spasmes
perturbant le bel ordre établi,
des envolées vite avortées,
vite oubliées avec le retour
au rythme réglé d'une procession
oiseaux migrateurs en formation
parfaite, ils allaient, en cet après-midi,
perdus dans leurs songes
selon une trajectoire inexorable,
vers un lieu connu d'eux seuls,
au gré du mouvement d'un destin
avec cette question en chacun d'eux,
engagé dans le combat de sa vie,
tendu vers la victoire, d'une foi inutile
et pourtant si nécessaire :
" vingt-quatre heures de doute,
moins une minute d'espérance. »
un théâtre d'ombres sur la route,
un autre théâtre d'ombres
dans nos coeurs
George Bernanos : « La foi ? Cest vingt-quatre heures de doute, moins une minute despérance. »