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(Anthologie permanente) Hans Magnus Enzensberger, Poèmes (1980-2014)


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Posté 20 janvier 2021 - 09:38

 


6a00d8345238fe69e2026bdeb711ab200c-100wiLes éditions Vagabonde publient un ensemble de poèmes (1980-2014) du poète allemand Hans Magnus Enzensberger.

Ceux d'avant

Ils se sont détournés,
tôt ou tard,
l'un après l'autre.
Ils ont détourné les yeux,
imperceptiblement,
puis ce fut
un geste infime
de la main gauche
que nous ne sûmes
interpréter.

Un revers de main,
un salut ironique :
«À vous de voir,
nous laissons tomber.»
Mais qu'était-ce ?

C'est seulement lorsque
nous vîmes le coussin lissé,
la tasse vide, la chemise
sur le dossier de la chaise,
la clé pendue au crochet,
que notre aigreur monta.

«Qu'as-tu?»
Pas de réponse.
Un départ sans reproche
ni regard.
Ils n'ont pas même
éteint la lumière
dans le couloir.

Puis ils se sont
envolés, évanouis
comme avions
dans le ciel,
ou bien éloignés à pied,
dans la neige, sombres,
par les passerelles de rondins,
dans un nuage de poussière .

Nous ne saurons pas
ce quâils sont devenus.


Vorgänger

Abgewandt, früher
oder später, abgewandt
haben sie sich,
einer nach dem andern.
Zuerst die Augen,
unmerklich, dann
diese minimale Geste
der linken Hand,
die zu deuten
uns nicht gegeben war.

Ein Abwinken
ein ironischer Gruß:
»Wir stellen anheim,
lassen auf sich beruhn«
Aber was ?

Erst, als wir
das glatte Kissen fanden,
die leere Tasse,
das Hemd über dem Stuhl,
den Schlüssel am Brett,
waren wir irritiert.

»Was hast du?«
Keine Antwort.
Weder Vorwurf
noch Nachsicht.
Nicht einmal das Licht
haben sie ausgemacht
im Korridor

Dann sind sie
kleiner geworden,
immer kleiner,
wie Flugzeuge, oder
wenn si zu Fuß waren,
im Schnee, dunkel,
auf Knüppeldämmen,
in einer Staubvolke.

Was aus ihnen geworden ist,
wissen wir nicht.

*

Résilience

La pensée
derrière les pensées.
Un galet ordinaire,
pur, dur,
inaliénable.

Ne se dissout pas,
est indiscutable,
est ce qu'il est,
ne devient ni plus gros,
ni plus petit.

Irrégulier,
unicolore, veiné.
Ni jeune ni vieux.
Ne nécessitant ni justification
ni croyance.

Tu ne sais d'où
tu le tiens, ni où
il va, à quoi
il sert. Sans lui
tu serais peu de chose.


Konsistenz

Der Gedanke
hinter den Gedanken.
Ein Kiesel, gewöhnlich,
unvermischt, hart,
nicht zu verkaufen.

Löst sich nicht auf,
steht nicht
zur Diskussion,
ist was er ist,
nimmt nicht zu oder ab.

Unregelmäßig,
nicht bunt, geädert.
Nicht neu, nicht alt.
Braucht keine Begründung,
verlangt keinen Glauben.

Du weißt nicht, woher
du ihn hast, wohin
er geht, wozu
er dient. Ohne ihn
wärst du wenig.

*

Destinataire inconnu â Retour à l'expéditeur

Merci beaucoup pour les nuages.
Merci beaucoup pour le Clavier bien tempéré
et pourquoi pas, pour les bottes d'hiver bien chaudes.
Merci beaucoup pour mon cerveau insolite
et toutes sortes d'autres organes cachés,
pour l'air, et naturellement pour le bordeaux.
De tout cÅur merci pour mon briquet, qui ne me lâche pas !
et pour les désirs, les regrets, les sempiternels regrets.
Merci pour les Quatre Saisons,
le nombre «e» et la caféine,
et naturellement pour les fraises sur l'assiette,
peintes par Chardin, ainsi que pour le sommeil,
pour le sommeil tout particulièrement
et, avant que je n'oublie,
pour le début et la fin
et les quelques minutes de l'entre-deux,
et grand merci aussi, si vous voulez,
pour les rats taupiers dehors, dans le jardin.


Empfänger unbekannt â Retour à l'expéditeur

Vielen Dank für die Wolken.
Vielen Dank für das Wohltemperierte Klavier
und, warum nicht, für die warmen Winterstiefel.
Vielen Dank für mein sonderbares Gehirn
und für allerhand andre verborgen Organe,
für die Luft, und natürlich für den Bordeaux.
Herzlichen Dank dafür, daß mir das Feuerzeug nicht ausgeht,
und die Begierde, und das Bedauern, das inständige Bedauern.
Vielen Dank für die vier Jahreszeiten,
für die Zahl e und für das Koffein,
und natürlich für die Erdbeeren auf dem Teller,
gemalt von Chardin, sowie für den Schlaf,
für den Schlaf ganz besonders,
und, damit ich es nicht vergesse,
für den Anfang und das Ende
und die paar Minuten dazwischen
inständigen Dank,
meinetwegen für die Wühlmäuse draußen im Garten auch.   

Hans Magnus Enzensberger, Poèmes (1980-2014), traduction de lâallemand de Patrick Charbonneau, éditions Vagabonde, 2020, 218 p., 20,50â¬, pp. 81, 51 et 106.



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