si l'on ouvrait mon corps,
on n'y trouverait, sans doute,
que de vagues traces
des idées pures de Platon,
des théorèmes d'Euclide,
du visage à demi effacé
du Christ au Saint Suaire,
de la statue du Commandeur
ou de l'ombre d'Oedipe
ou de Caïn
mais,
si l'on ouvrait mon corps,
on y trouverait, tout au fond
les bois de mon enfance
où nous allions ramasser
des glands et des châtaignes;
le gave dont les courants
fous nous emportaient,
ses berges de galets
où nous courions pieds nus;
la Guadeloupe, son soleil
et ses fonds de coraux
qui, sur la côte sous le vent,
au-delà du talus abrupt,
ouvrent sur le grand bleu;
le désert d'Atacama,
ses sables brûlants,
sa roche nue, les eaux glacées
de sa côte sur le Pacifique;
les diguettes des rizières
au VIet Nam et ses villages
entourés de haies de bambous;
les pistes nues du Sahel
qui, pour l'étranger ignorant,
ne conduisent nulle part
et aussi les bords hospitaliers
du fleuve Chari, au cours lent;
sur la petite Île de Sāo Tomé,
le ciel entier de l'Equateur
avec toutes ses constellations
qui basculent, de la Polaire
à l'Etoile du sud, d'un coup,
dévoilant les sphères célestes
à nos regards éblouis
. . . .
si l'on ouvrait mon corps,
on y trouverait des paysages,
des paysages,
des paysages,
... toi et ton premier sourire
"Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages... . Et moi, si on m'ouvrait, on trouverait des plages."
(Film Les Plages d'Agnès - Agnès Varda)