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(Note de lecture), Les Carnets d'Eucharis, par Mazrim Ohrti


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Posté 17 février 2021 - 10:00

   

6a00d8345238fe69e2026bdebe0bb2200c-100wiVoici le dernier numéro paru  de la belle revue Les Carnets dâEucharis.
Ce volume sâintéresse à Yves Bonnefoy, disparu en 2016. « Dire non à la nuit » est le nom du dossier qui lui est consacré à travers témoignages et reconnaissance de sa poésie et de son travail de chercheur/critique, dans ce domaine ainsi que dans dâautres tels que peinture, sculpture, musique ou photographie. Au poète de jeter des passerelles entre ces disciplines. Aux mots de constituer un refuge pour le sensible où se croisent les éléments de celles-ci. Le sens dâune démarche sâefface derrière lâobjet limité à sa catégorie. Exigences dâélection du sensible restent anecdotiques. Il y a un travail de parole en perpétuel mouvement qui transcende les courants et les genres, qui, inscrite dans la peinture, la forme modelée ou la pierre, se révèle grâce à « la fonction éclairante de la poésie ». Nathalie Riera, Claude Darras, Alain Freixe, Julie Delaloye, André Ughetto et dâautres dispensent leur regard et leur attachement au poète et à son Åuvre prolifique, chacun(e) à sa manière. On sait combien la liste des artistes que Yves Bonnefoy aura fréquentés pour exercer son talent est vertigineuse.

Le chemin balisé de la revue guide le lecteur où bon lui semble en fonction de ses lieux de réflexion, méditation et contemplation. Les haltes sont heureuses sur les instantanés de Nathalie Riera et les illustrations de Sylvie Ballester. Richard Skryzak dont « lâInvention du Clin dâÅil » est susceptible de faire voir la chose à même hauteur que le logos, en maître passionné des arts visuels, propose un entretien/portrait de Benjamin Brou Kouadio, peintre et universitaire, avec quelques acryliques. Celui-ci, tout en exprimant sa passion pour le travail de la fresque (« un acte paysan »), relativise toute éventuelle poétique de ses racines africaines. « Je fais émerger quelque chose qui me dépasse » rappelle-t-il. Quatre portraits dâartistes et de poètes sont également mis à lâhonneur : Giacometti, Nicolas de Staël, Emily Dickinson et William S. Merwin, poète américain né en 1927 et mort en 2019, écologiste avant la tendance, ayant partagé sa vie entre Hawaï et⦠le Haut-Quercy. Il a reçu de nombreux prix pour son Åuvre. A découvrir ici, avec quelques poèmes.

Il faut évoquer la traduction, cheval de bataille fidèle des Carnets dâEucharis, que Jean-Charles Vegliante, Benoît Sudreau, Béatrice Bonneville et Yves Humann, pour lâoccasion font galoper sur des territoires riches et variés, respectivement traducteur(trice)s (et poètes) dâitalien, de grec et de portugais. Nuno Júdice et Yannis Ritsos ne sont plus à présenter contrairement à Italo Testa, poète/philosophe quinquagénaire, à la poésie construite sur « une vision possible du désastre ambiant ».

Un autre quâon ne présente plus, câest André Markowicz (traducteur de russe, dâanglais et de chinois) qui a retraduit entre autre toute lâÅuvre romanesque de Dostoïevski aux éditions Actes Sud. Dans un long entretien sur son travail, il donne le ton en déclarant que « la traduction nâa pas seulement à voir avec la connaissance linguistique, qui joue finalement un rôle secondaire ». Est-ce que la retraduction ne viserait pas à se rapprocher du texte original en sa dimension phénoménologique, insiste Martine Konorski, coordinatrice de lâentretien ? Il est question de lever le voile sur lâengagement moral du traducteur, créateur avant tout (même sâil faut distinguer la composition de lâinterprétation), sur les valeurs stylistiques des diverses langues (ce pour quoi lâAcadémie française) et en amont sur leurs conditions historiques. Au final, sur ce travail dâorfèvre que le public est loin de soupçonner (« objet dâart ainsi quâen parlait Jacques Roubaud »). André Markowicz y évoque même son enseignement oral concernant la traduction du russe, « transmission de Maître à disciple » (à lâantique donc). Superbe entretien, riche, dense mais fluide, didactique mais vivant, et pas ennuyeux, avec en prime, ici et là, quelques notes dâhumour.

On retiendra dans la rubrique « au pas du lavoir », extraits et travaux en cours de Jacques Estager et Corinne Le Lepvrier pour la dimension expérimentale de leur poésie.
Pour finir, quelques lectures critiques fraîchement détaillées donnent de se pencher sur lâÅuvre féconde de Pascal Boulanger, poète et essayiste discret, et de renouer avec Edith Boissonnas, critique dâart, poète et traductrice, contemporaine de Michaux et Paulhan, testeuse occasionnelle dâexpériences extatiques en compagnie de ce premier. Mais avant tout promotrice de « lâécriture à lâétat brut ».

Mazrim Ohrti

Les Carnets dâEucharis, Édition 2020, 216 pages (dont un Cahier visuel de 8 pages), 26⬠(frais de port compris) â voir le site des Carnets


 

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