( à la mémoire de J-M G )
il se tenait au seuil de sa maison,
sans même avancer d'un pas,
plus immobile encore
qu'un mérou devant son trou,
au fond de l'océan
lui, le facteur infatigable qui,
de retour de son exil à Puteaux,
puis, plus tard en Avignon,
pendant plus de trente ans
avait arpenté les rues du village
et les chemins des alentours,
jusqu'au mas de Rieutort
et au moulin de Roquemengarde
sur les bords du fleuve Hérault,
jusqu'à Maumau et Saint Christol
vers les hauteurs des garrigues
tel une statue, impassible, muet
comme le dernier Bouddha,
ayant atteint les apparences
de la sérénité, de la sagesse,
ou du moins l'immobilité, le repos
de ces vieux chiens de chasse
qui ne quittent plus leur niche
que pour hurler à la lune
ou secouer leurs puces au vent
. . . .
maintenant,
enfin libéré de toutes ses entraves
comme des maux de la vieillesse,
entêté, il reparcoura à l'infini,
les rues sombres des banlieues
de sa jeunesse et, dans le soleil,
le vent ou dans les nuits étoilées,
il survolera sentiers et garrigues,
il reprendra l'errance d'une vie,
dans un ciel à la Chagall,
à la poursuite enivrée de la Femme,
la grande absente - mais pourquoi? -,
qu'en plus de trois-quarts de siècle,
sa sacoche pleine de lettres d'amour
et de promesses, et de serments,
il n'a jamais croisée sur son chemin
... ou bien ne l'a-t' il pas reconnue ?