Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), Etienne Faure, Et puis prendre l'air, par Nathalie de Courson


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 14 avril 2021 - 09:27

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br /><br /><a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...de5d7200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Etienne Faure et puis prendre l'air" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20263e99de5d7200b img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20263e99de5d7200b-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Etienne Faure et puis prendre l'air" /></a>Les titres des livres dâÉtienne Faure sont à prendre au mot. On peut aussi compter sur sa sollicitude : après nous avoir donné le vertige avec le recueil <em>Tête en bas</em> (Prix Max Jacob 2019), il nous remet aujourdâhui sur nos pieds dans les dix promenades poétiques en prose de <em>Et puis prendre lâair</em>. « Sortir », dit tout de suite lâinfinitif engageant de la première ; « Prendre lâair », reprend allègrement celui de la dernière. <br /><br />Nous partons donc respirer lâair « des villes et des champs ». Les villes, câest dâabord Paris et ses bancs publics auxquels est consacrée la plus longue séquence : « Eloge appuyé des bancs ». Lâhomme des villes et des foules dans la tradition de Baudelaire observe ses « collègues de planche » de tous âges et de tous pays avec un Åil, une oreille et une plume qui rient en coulisse. <br /><br />Mais sous leur peinture, les bancs « se souviennent quâils furent arbres, ressentent dans leurs nÅuds les branches de naguère, comme lâestropié la douleur de son bras absent. » De même, derrière les habitants des bancs qui « boitent en dedans », murmure la grande histoire : Commune de Paris, guerres mondiales, épisodes coloniaux, ou la petite histoire imaginaire de la capitale : « le fer des roues et des sabots sur le pavé, les hennissements, les cavalcades, les ruades des juments et des canassons, les Oh-nom-de-Dieu des postillons, leurs jurons sous les portes cochères » ⦠<br /><br />« Les hommes sont des passants », dit une épigraphe de Joseph Roth qui pourrait résumer le propos du livre. Au fil des groupes de proses, on quitte les bancs pour aller dans les champs à la cueillette des mûres ; dans un cloître au bord dâun ruisseau ; dans les « caves » normandes de lâenfance ; dans des hôtels de province où séjournèrent de considérables passants écrivains ; dans de lointains « coins du globe » comme « le vieux caillou » de Cayenne qui « caquette, non, cancane, non carcaille au passage des pirogues » ⦠<br /><br />« Prendre lâair », nâest-ce pas aussi laisser les sonorités gambader souplement hors du cadre contraignant du vers « qui piétine, tant lâavancée est mesurée » ? Etienne Faure, en trapéziste quâil ne cesse dâêtre, dit user dâun « carnet tête-bêche » en écrivant dâun côté en prose, de lâautre en vers, mais les pages se détachent par endroits. Le passage aux vers peut se faire sous la pression dâune émotion, comme ces quelques notes trouvées en début dâautomne dans une poche de veste avec des châtaignes et un colchique séché, et qui bout à bout composent un poème. Quelques pages plus loin, après la comparaison de certains souvenirs écoeurants à une viande faisandée, on lit des vers qui contiennent leur propre raison dâêtre : <em><br /></em><br /><em>(â¦) ainsi quâune syntaxe<br />Interrompue, lardée<br />pour mieux laisser les mots<br />suinter, rendre<br />lâinexprimable </em>(p. 43)<br /><em><br /></em>Toutefois, la prose reste nécessaire pour répondre au projet global du livre, discrètement formulé au début de la dernière séquence qui évoque un voyage en train :<br /><br /><em>Un léger déplacement des points de vue sur le monde est signe de résurgence. Déplaçons-nous, légers, transports et voyages, découvertes. Train céleste, appels dâair. En route</em> (p. 111).<br /><br />Les déplacements à lâÅuvre ici favorisent cette « résurgence » quâannonçait le « Et puis » du titre, avec les transferts de sens qui lui sont associés :<br /><br /><em>Depuis la vitre à vive allure on aperçoit les arbres qui fuient, les buissons, les lapins, tout un monde qui détale un jour de dégel ou de saint-glinglin quand la vitesse du train fabrique dans le paysage une écriture par hypallage, télescopage, accélère les mouvements qui libèrent du froid et du temps figé sur la plaine</em> (p. 112). <br /><br />Dans ce monde remuant, les mouvements dâun écureuil sont une passagère allégorie de ceux de lâécrivain :<br /><br /><em>Fuir, esquiver, changer dâarbre est une manie chez lâécureuil qui sâépargne ainsi la vie, croit-il, en sautant dans les airs, et contre la pesanteur reste en suspens, ne chute jamais, amasse des idées, les oublie, nâen finit pas dâaller de branche en branche ainsi quâun écrivain â nouveaux chapitres, paragraphes, à la ligne â, ne sachant sâarrêter, sây résoudre et comment atterrir, sâil faut atterrir, prévoir un rebondissement, craignant le faux mouvement qui terminerait lâaventure par inertie, sans rien qui relance ou qui sauve : nul panache, mauvaise chute</em> (p. 120)<em>.</em><br /><br />À lâavant-dernière page, la seule « mauvaise chute » sera celle de la casquette dâun « je » cycliste, assez vite retrouvée dans un pré « qui flirte avec le printemps », à la manière de cette prose vivifiante qui « contre la raideur dâhiver active la circulation ». <br /><br /><strong>Nathalie de Courson<br /></strong><br />Étienne Faure, <em>Et puis prendre lâair</em>, Gallimard, décembre 2020, 127 pages, 14,50 â¬<br /><br /><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/F9PPy2EfoRw" height="1" width="1" alt=""/>

Voir l'article complet