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(Note de lecture), Elena Andreyev, Supérette persane, par David Mus


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Posté 12 avril 2021 - 08:50

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br /><br /><a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...29ff2200d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Andreyev" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e2027880229ff2200d img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2027880229ff2200d-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Andreyev" /></a>Il en est des poésies comme des glaces : on en trouve de toutes les couleurs, de tous les parfums. Vanille, chocolat, pistache, fraise, la fabrication en est la même : une pensée qui occupe la pensée et la voix est insérée dans lâespace â celui dâune page, puis celui dâun livre, enfin celui qui sâouvre entre le livre et les yeux du lecteur. Prenant à la fois du temps et de la place, alors le poème devient événement.<br />Les nouvelles poésies dâElena Andreyev ont pris place dans un livre imaginé et produit par un jeune éditeur aventurier, Julien Nègre, dans sa collection <em>partition</em>. Ce qui unit ces 18 pièces, plus que cet in-folio élégant illustré par les soins de mc gayffier, câest la recette quâelles donnent elles-mêmes de leur fabrication. E. Andreyev suit sa propre manière de travailler, spéciale à défaut dâêtre unique. Faisant fi de lâorigine mentale de chaque poème, occupant du seul temps, de la seule voix, elle saute à pieds joints dans le poème-événement. Ses pièces arrivent, ont lieu, se succèdent en se moquant à haute voix dâune vie antérieure dans lâesprit ou dans la perception.<br />La recette, disais-je, nâest pas proprement originale : nous reconnaissons là une tendance toute ferveur de certaine musique pop, depuis les années 80, entièrement performance. Dirait-on que les numéros dâun album de Billie Eilish sont des chansons ? Plutôt des événements, comme les épisodes haletants qui sâenchaînent dans la célèbre vidéo de Mickael Jackson, <em>Thriller</em>, sketches ou saynètes qui sâemboîtent rapidement afin de constituer une seule mise en scène â costumes, danse, éclairage, récitatif, back-up à lâappui : soit un <em>show</em>.<br />Voici donc de lâi-pop : 18 pages, 18 « poèmes » qui émergent « en présentiel » sans écran, chaque fois « une surprise » comme le dit le premier, un éclat de rire, un éternuement â chacun nouveau, imprévu et imprévisible, sans aucune forme dâénoncé ou de syntaxe inclusive qui puisse nous mener de manière suave dâun vers à lâautre â car oui ! ces poèmes sont versifiés, chacun à sa façon. Dix-huit numéros de forme et de matière variées ; le titre général lâannonce, <em>Supérette persane</em>, un choix de marchandises exposées sur rayons, présentoirs, gondoles. Choisissons, entre une apparition dans le métro, plusieurs vers en anglais (cités ou traduits ?), des brins de méditation existentielle, une liste de 16 fleurs sauvages « mortes aux champs » signalées par leurs noms botaniques souvent cocasses, un terme culte japonais traduit en anglais, « cute » (mignon), une citation de Saint Paul (en anglais) agrémentée dâun rappel sinistre :<br /><br /><em>                                           </em><em>ad we shall all be changed<br /></em>                                           me souffle un pissenlit par la racine<br /><br />Marchandises tout en à-coups, en arêtes vives, en débrayages : faut-il parler de pot-pourri, de fourre-tout ? Lâéchevelé en poésie, on le connaît depuis Dada, les jeunes surréalistes, le modernisme à outrance. Et plus récemment sur la scène internationale, le scat, le slam, le rap sont passés par là.<br />Lâexcès de désordre, cependant, ne peut éviter de susciter chez Elena Andeyev une certaine méfiance envers ses propres choix, qui va jusquâà frôler lâangoisse. Dâoù dans son show un nombre de pavillons hissés qui servent de mises en garde. « Tout sans effort fait grâce » (répété), soit nâallez pas trop réfléchir, pas trop calculer, car la spontanéité du propos sera perdue. Continuer ou arrêter ?<br /><br />                               Si jâarrête... nausée légère, voile après voile<br />                               Quel sens donner à â Non â si la terre tourne, et à vive allure ?<br />                               Arrête â et tout continue ? fête insolente.<br /><br />« Sans méthode sent le roussi » et puis : « Lâobservation invite au détour â pour le cap, repasser » Le bon Dieu nâest pas dans le détail, au contraire la perspicacité aveugle, « à trop préciser, cécitez » et pour une excellente raison, insiste notre star : le tout est partout, est partout présent, le présent afflue tout entier dans chaque perception :<br /><br />                               Présent â aha ! come in !<br />                               Comment nâavais-je pas remarqué<br />                               présent et présent<br />                               comment ne pas vivre comblé, puisque tout est là.<br /><br />Philosophe, la chanteuse rejoint ici A. N. Whitehead dans la distinction radicale quâil fait entre le discerné et le discernable, soit le fait particulier perçu et lâensemble de faits invisibles qui sâappelle Nature (1).<br />Lâesthétique annoncée, quâElena Andreyev sâapproprie, est celle du frelon, qui bourdonne partout, pique de ses « dards » et qui pille, censément, le miel de « lâinterlocuteur abeille » - figure relevée deux fois par lâillustrateur dont les esquisses ponctuelles égaient chaque page poétique. Ce petit vacarme volatile lui permet dâéchapper à celui de la Nature entière dont le lexique est à la limite du compréhensible :<br /><br />foins en rafales â craie et fredons<br />nature bombille un fier raffut<br />au ras du sol :<br />pépiement abrasif pac-man<br /><br />À ce barnum notre poésie « sâéchappe / et sâéchappe en riant ». Le désordre de son show permet de « décoller / le texte de sa chanson ». Chanson il y a eu donc, de plusieurs couleurs et parfums, réunissant lâensemble de ces numéros dâun charme futé, dâun enchantement auquel lâoreille avertie sera sans doute sensible.<br />Je nâoublie pas que notre chanteuse est, dans la vie civile, un violoncelliste baroqueux qui joue dans lâensemble des <em>Arts Florissants</em> de William Christie. Son show à 18 numéros fait écho lointain à lâ<em>opera buffa</em> du 18<sup>e </sup>siècle. Voilà qui donne à la performance dâElena Andreyev un fondement solide dans une tradition du spectacle qui nâa rien de frivole. Rabelais aussi nâest pas loin...<br /><br /><strong>David Mus<br /></strong><br />Elena Andreyev,<em> Supérette persane</em>, illustrations de Mc Gayffier, Julien Nègre éditeur, 2020, 20 pages, 15 â¬<br /><br />(1) <em>The Concept of Nature</em><br /><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/2ebGjotZJms" height="1" width="1" alt=""/>

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