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(Note de lecture), F.J. Ossang, Fin d'empire, par Mathieu Jung


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Posté 16 avril 2021 - 08:53


pour Stéphane T.

6a00d8345238fe69e20263e99e6126200b-100wi« Pour survivre, écrit Ossang, il faut que lâon sâévade dans un imaginaire qui nâa plus cours. » Constat insupportable. Lâescapisme nâétant que marche à la mort. Pour survivre, il faut approfondir les ombres. Témoin, le cinéma de F.J. Ossang justement, véritable cinéma dâombre et de survie, qui nâest pas une commode réorganisation du pessimisme (une de plus), mais action réelle sur lâimaginaire, travail argentique sur les ombres. Bien sûr que cet imaginaire continue dâagir, sans avoir cours vraiment. Nâayant pas renoncé dâexister, il peine à la communion. Pour qui au juste, ces ombres ? Pour qui cette survie ? Question dâautant plus embarrassante que lâimage de F.J. Ossang est éminemment vitaliste.

Difficile de détacher Fin dâempire (Le Corridor Bleu, 2021) du reste de lâÅuvre polymorphe de F.J. Ossang, de sa musique, de son cinéma surtout. Sans doute est-il vain de vouloir définir qui, de lâÅuf cinéma ou de la poule poème, précède lâautre. Câest à envisager ensemble. Dharma Guns fait-il écho à Fin dâempire ? Ou bien ce livre est-il une sorte de peau morte tombée du cinéma ? Pelure, peau, pellicule â ce sont les mêmes mots. La même matière retravaillée, dialectisée, mastiquée dans la machine punk onirique. Matière-rêve ou substance-mort indifféremment.

LâEmpire, nous explique Philippe K. Dick, nâa jamais pris fin. Or, selon F.J. Ossang dans Fin dâEmpire « lâhumanité commencera en brisant les seuils ». Allons-y, tâchons de suivre un peu les brisements dâOssang, en écoutant cette sténographie mentale.

À présent je vis dans un grand siècle de lumière aux colonnes
éruptives de pierres neutres. Câest un poème de toutes sortes de mots
en application, presque sans phrase.

6a00d8345238fe69e20263e99e612d200b-100wiLâimage poétique chez Ossang ne se livre pas telle quelle. Je ne suis pas sûr quâelle soit en mesure de subsister seule, sans cette autre image primordiale que constitue pour Ossang lâimage cinématographique. De même, le cinéma dâOssang se nourrit de poésie. Ce sont deux horizons entre lesquels Ossang fait se déployer sa vision avec lâahurissante constance dâun somnambule qui aurait lâétoile au front.

Câest aussi, et surtout, une poésie qui avance en sâeffondrant. « La phrase qui précède est idiote, elle aussi. » Empire en pire. Et combien. « Histoire dâun empire qui se délite sans plaisir, craque, cède par lambeaux. » Le délitement, dont il était déjà question dans Dharma Guns. Ce vent qui « tourne plus vite quâun tigre », lui aussi présent dans le film de 2010.

On a pu voir en Ossang un cinéaste « à la lettre ». Il arrive, à lâinverse, que le poème fasse ouvertement signe au film. Ainsi est-il question de la ville de Marseille, où finit 9 Doigts (2017). De Rimbaud à Conrad, en passant par Artaud, câest aussi bien pour ramener le film dans le champ de lâécriture, de la poésie.

Enfin Marseille â lâhistoire du film 9 DOIGTS sâarrête
Dans la ville où Arthur Rimbaud est mort â
Et plus tard Antonin Artaud naquit â
Songer aux dates : Rimbaud meurt en 1891,
Artaud naît en 1896.
Marseille aussi, où Joseph Conrad apprit son métier
de Capitaine.

Je dirais de la poésie dâOssang quâelle est demande dâimage. Avec Fin dâEmpire, il nous est offert une réflexion sur la poésie. Mais câest indissociablement de poésie et de cinéma dont il est question. Ossang, à la fin de Fin dâEmpire rêve à un film, un film de fin de vie, justement, adapté de son « Île de la terreur » (dernière section du recueil Fin dâempire). À la fin, le cinéma. À mieux dire : le tissu conjonctif cinéma-poésie.

Mathieu Jung

F.J. Ossang, Fin dâempire, Le Corridor bleu, 2021, 112 p., 13â¬



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