Mon Métro des années 60
Grâce à une cure forcée de quarante-huit heures de rames, de couloirs, d’escaliers, de tapis roulants, de changements de correspondance, d’esquives de portillons, je fis en sorte que ton métro, loin de me poser le moindre problème, devienne en l’espace d’un week-end l’allié indéfectible de toutes mes futures escapades intra-muros.
Ce que le proche avenir ne tarda pas à me confirmer, faisant non seulement de lui mon complice, mais de moi son amoureux.
Je mettais mon point d’honneur à ne pas hésiter devant les pancartes de correspondance.
A ne jamais lire les noms de direction de lignes en bleu.
A marcher vite et dépasser tout le monde.
A éviter la honte d’être coincé aux portillons verts et rouges d’accès aux quais.
A toujours préférer les escaliers aux escalators, synonymes de paresse et de lenteur…
Et, fin du fin, top de la classe, à pouvoir renseigner le provincial perdu en faisant étalage de mon savoir…à offrir ma place aux jolies femmes, surtout enceintes, et même aux moins jolies si plus âgées…à toujours proposer mes services de porteurs de valises au pied des longues volées de marches…
Comme aussi à jouer les hommes pressés, en maintenant la poignée levée bien avant l’arrivée à ma station…ou à m’installer près de la porte pour être le premier à actionner le loquet d’ouverture : ravi, en cas d’affluence, d’avoir à descendre sur le quai pour laisser le passage non seulement à la foule descendante, mais aussi à la montante, achetant ainsi le droit, pour reprendre ma place à reculons, de compresser du dos au maximum mes voisins et surtout mes voisines, technique très parisienne qui m’avait toujours impressionné, et que j’enviais depuis longtemps de pouvoir un jour imiter.
Non, qu’on se le dise, et que tout le monde se le dise, je n’étais pas un jeune provincial en vacances dans la capitale, jouissant enfin seul de nouveautés inconnues jusqu’alors, et ravi de les découvrir enfin en vraie liberté !
Non, j’étais un jeune Parisien, bien sûr, très à l’aise et fort rompu à toutes les subtilités de la presse citadine, presque blasé à force de maîtrise, limite lassé des multiples contraintes de ce transport en taupinière qui, en fait, me mettait tout simplement aux anges…
Et surtout, que ce ravissement, sans doute incompréhensible des autochtones, ne transpararût pas !
Et qu’il restât indétectable sous le masque impénétrable et neutre que je prenais le plus grand soin de me composer avec détachement !
Au moment où je m’appropriais Paris, c’eût été carrément déchoir que de laisser paraître le moindre signe que je n’en étais pas propriétaire, ou du moins déjà vieux locataire, depuis toujours !
Bref, si heureux de ma découverte et de mon rapide apprentissage, ton Métro ne m’appartenait encore pas…que je voulais déjà l’offrir aux Parisiens…
Paname
Métro des années 60
Débuté par Paname, avril 03 2007 08:09
2 réponses à ce sujet
