La Foudre
I
La belle Humanité, que tous nous émaillons,
Fredonne chastement une vieille ballade
Où mécaniquement de longs cris de malade
Se mêlent au silence en de parfaits maillons,
Mauvais heur ou tyrans, partageant leurs missions,
Partent disséminer dans son âme maussade
En majestueux éclats les Céline et les Sade
Et bercent ses humeurs de chaleureux rayons ;
Un surprenant désir peut traverser les portes
De l’obscure conscience et de rudes cohortes,
Avides de pouvoir et de rapports violents,
Se dressent pour extraire en sang et en droiture
Dans les cerveaux ravis un champ de sépulture
Où sont annihilés des êtres indigents.
II
L’horreur se développe à certains de nos pas …
Un collègue, un voisin, des amis, la famille,
Ou tout autre inconnu qui s’émeut ou fourmille
Peuvent soudainement prendre part au trépas,
Souffrances, mépris, peurs génèrent les appâts
Qui travaillent les cœurs telle au blé la faucille :
La miséricorde en beaucoup un temps oscille
Jusqu’à la sélection du funeste repas ;
Dans la cité furieuse où la révolte gronde
Au milieu des halliers et de la plaine blonde,
Vers le mont Golgotha sur un pavé de fleurs …
Un besoin se répand, à la faveur du nombre,
Incarnant en nos rangs, sans un regret, quelque ombre
Pouvant semer la mort ou faisant fi des pleurs.
III
Dédains, dégouts, honneur viennent pour embaucher
Encore soleil, lune et étoiles rieuses,
Eclipsant en chacun ces âmes harmonieuses
Qui se meuvent gaîment sans jamais se toucher,
La vanité tend puis fait les crocs de boucher
Qui recouvrent alors les méninges curieuses
D’une chappe de plomb sur les images pieuses
Où le souffle puissant s’élance pour faucher ;
La colère se répand puis tenaille et ravage :
« Qui sera le soldat, le maçon ou le sage
Œuvrant un parapet contre tout criminel ? »,
Sa lumière embrasant la paisible nature ;
Et tombent de tout front charme, succès, culture
Souvent où sont masqués les vieux astres du ciel.
Le Néant
Un martellement lourd provient de la machine
Frottements, cliquetis se succèdent sans fin,
Aujourd’hui comme hier tout l’occident a faim
Et réclame son lot de four ou de feutrine,
Pakistan, Bengladesh, Inde, Thaïlande, Chine …
Payeront la journée un salaire incertain
A tous les ouvriers ayant noirci leur teint
Alors qu’un surveillant obtus les incrimine ;
Les boulevards lointains de nombreuses cités
Vont résonner au son délicat des souliers
Ponctuant d’un lent ra les allers et venues,
Là-bas un inconnu fixera du satin,
Un autre, à ce qu’on dit, gardera le butin,
Un dernier plus jamais n'observera les nues.
Au départ çà donnait ça ...
Spleen - Salon Principal - Toute La Poésie (toutelapoesie.com)
Mais ça c'était avant ...