GreffesPoèmes de Andrée Chedid 1 Lames grises du réveil Péninsules éteintes Quotidiennes et courtes morts Où se greffe le vide? Les filaments du monde se défont sous tes doigts La nasse de tes pensées assourdit chaque source Les brumeuses cités de toi engloutissent ta face Plus de fleuves déployés Plus d'herbes à venir Plus d'agir plus de fables Plus de suite plus de surplomb A l'arraché comme on extirpe l'ortie On étripe ce mal Il tenaille Il résiste. 2 Sur toutes les terres du monde L'agneau a greffé sa face doucement ravagée Sur toutes les terres du monde Le bourreau greffe Son masque impérissable et clos. 3 Où s'assemble notre double sa voix nommant d'autres voies? Où se greffe son rameau qui démantèle les ombres qui ronge les murailles? Surgi des houles de notre soif Il vient par triomphe d'images par vannes par grains par grappes par ruptures et fusion Il parle il vient Ce double tranchant les ligatures du mot instaurant l'autre connivence. 4 Je descends de tout un peuple de morts des charnières et du plein de ces corps révolus Nos trames s'entrecroisent leur chair soude la mienne Leurs rumeurs s'attachent aux lacis de mon sang Enfant de toutes ces fibres J'émonde les liens moisis et me greffe aux vivants à leur souffle à leurs chutes à leur risque d'horizons Visage d'un temps J'arbitre Et progresse dans l'onde des jours vers la tenace issue. 5 Marée bue par les sables Éclat retombé en cendres Gorgée de battements la Vie s'est défilée escamotant nos soifs Cette soif greffe de nos jardins levain de nos éveils amorce du futur Cri d'alouette le long des routes exténuées. 6 La ville aux trousses ne nous exilerait plus Si greffant l'oiseau au cœur du cœur des pierres Le cœur imaginait La ville aux trousses ne nous lapiderait plus Si multipliant ses graines obstinément tirées vers le jour Le cœur nous fécondait. 7 Du fond des nuits sans âtre Ton double assiège encore Il éclate et questionne comme pour mieux te greffer A toutes les pousses de vie! Poèmes d'Andrée Chedid Voir la liste complète des poètes |