Amours de marie- Louise labéPoèmes de Louise Labé Ha ! que je porte et de haine et d'envie Au médecin qui vient soir et matin Sans nul propos tastonner le tetin, Le sein, le ventre et les flancs de m'amie ! Las ! il n'est pas si songneux de sa vie Comme elle pense, est il méchant et fin : Cent fois le jour il la visite, afin De voir son sein qui d'aimer le convie. Vous qui avez de sa fièvre le soing, Parens, chassez ce médecin bien loing, Ce médecin amoureux de Marie, Qui fait semblant de la venir panser. Que pleust à Dieu, pour l'en recompenser, Qu'il eust mon mal, et qu'elle fust guarie ! Comme on voit sur la branche au mois de may la rose, En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l'Aube de ses pleurs au poinct du jour l'arrose ; La grāce dans sa fueille, et l'amour se repose, Embasmant les jardins et les arbres d'odeur; Mais batue ou de pluye, ou d'excessive ardeur, Languissante elle meurt, fueille à fueille déclose. Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté, La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes. Pour obsèques reçoy mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs, Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses. |