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Sonnets - Sonnet


Sonnet / Poèmes de Louise Labé


On voit mourir toute chose animée,
Lors que du corps l'āme subtile part :
Je suis le corps, toi la meilleure part :
Où es-tu donc, ō āme bien aimée?



Ne me laissez par si longtemps pāmée :
Pour me sauver après viendrais trop tard.
Las ! ne mets point ton corps en ce hasard
Rends-lui sa part et moitié estimée.



Mais fais,
Ami, que ne soit dangereuse
Cette rencontre et revue amoureuse,
L'accompagnant, non de sévérité,



Non de rigueur, mais de grāce amiable,
Qui doucement me rende ta beauté,
Jadis cruelle, à présent favorable.



&&&



Oh, si j'étais en ce beau sein ravie

De celui-là pour lequel vais mourant :

Si avec lui vivre le demeurant

De mes courts jours ne m'empêchait envie :



Si ni'accolant me disait : chère
Amie,
Contentons-nous l'un l'autre ! s'assurant
Que jà tempête,
Euripe, ni
Courant
Ne nous pourra disjoindre en notre vie :



Si, de mes bras lé tenant accolé,
Comme du
Lierre est l'arbre encercelé,
La mort venait, de mon aise envieuse,



Lors que, souef, plus il me baiserait,

Et mon esprit sur ses lèvres fuirait,

Bien je mourrais, plus que vivante, heureuse.



&&&



Tant que mes yeux pourront larmes épandre
A l'heur passé avec toi regretter" :
Et qu'aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix et un peu faire entendre :



Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard
Luth, pour tes grāces chanter :
Tant que l'esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre :



Je ne souhaite encore point mourir.
Mais quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,



Et mon esprit en ce mortel séjour

Ne pouvant plus montrer signe d'amante :

Prierai la
Mort noircir mon plus clair jour.