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Xv epitre - Sonnet


Sonnet / Poèmes de Louise Labé


Que faites vous, mes compagnons,

Des chères
Muses chers mignons?

Av'ous encore en notre absence

De votre
Magny souvenance?
Magny votre compagnon dous,

Qui ha souvenance de vous

Plus qu'assez, s'une
Damoiselle,

Sa douce maitresse nouvelle.

Qui restreint d'une estroite
Foy
Le laisse souvenir de soy.

Mais le
Povret qu'Amour tourmente

D'une chaleur trop véhémente,

En oubli le
Povret ha mis

Soymesme et ses meilleurs amis :
Et le
Povret à rien ne pense.

Et si n'a de rien souvenance.

Mais seulement il lui souvient

De la maitresse qui le tient,

Et rien sinon d'elle il ne pense,
N'ayant que d'elle souvenance.

Et, tout brûlé du feu d'amours

Passe ainsi les nuits et les jours.

Sous le joug d'une
Damoiselle

Sa douce maitresse nouvelle,
Qui le fait ore esclave sien,

Ataché d'un nouveau lien:

Qui le cœur de ce misérable

Brûle d'un feu non secourable.

Si le secours soulacieus
Ne lui vient de ses mesmes yeus,

Qui premiers sa flamme alumerent.

Qui premiers son cœur enflammèrent.



El par qui peut estre adouci
L'amoureus feu de son souci.
Mais ny le vin ny la viande,
Tant soit elle douce et friande,
Ne lui peuvent plus agréer.
Rien ne pourrait le recréer.
Non pas les gentilesses belles
De ces gentiles
Damoiselles,
De qui la demeure
Ion met
Sur îHeliconien sommet ',
Qu'il avoit tousjours honorées,
Qu'il avoit tousjours adorées
Des son jeune aage nouvelet,
Encores enfant tendrelet.
Adieu donq
Nynfes, adieu belles.
Adieu gentiles
Damoiselles,
Adieu le
Chœur
Pegasien ,
Adieu l'honneur
Parnasien
Venus la mignarde
Déesse,
De
Paphe la belle
Princesse,
Et son petit fils
Cupidon,
Me maitrisent de leur brandon. >
Vos chansons n'ont point de puissance
De me donner quelque allégeance
Aus tourmens qui tiennent mon cœur
Genné d'une douce langueur
Je n'ay que faire de vous, belles:
Adieu, gentiles
Damoiselles :
Car ny pour voir des monceaus d'or
Assemblez dedens un trésor,
Ny pour voir flofloter le
Rone,
Ny pour voir escouler la
Sone,
Ny le gargouillant ruisselet.
Qui coulant d'un bruit doucelet.



A dormir, d'une douce envie.

Sur la fresche rive convie :

Ny par les ombreus arbrisseaus
Le dous ramage des oiseaus

Ny violons, ny espinettes,

Ny les gaillardes chansonnettes,

Ny au chant des gaies chansons

Voir les garces et les garçons
Fraper en rond, sans qu'aucun erre.

D'un branle mesuré, la terre.

Ny tout cela qu'a de joyeus

Le renouveau delicieus;

Ny de mon cher
Givés ' (qui m'ayme
Comme ses yeus) le confort mesme.

Mon cher
Givés, qui comme moy

Languit en amoureus émoy,

Ne peuvent flater la langueur

Qui tient genné mon povre cœur :
Bien que la mignarde maitresse.

Pour qui je languis en détresse,

Contre mon amoureus tourment

Ne s'endurcisse fièrement :

Et bien qu'ingrate ne soit celle,
Celle gentile damoiselle

Qui fait d'un regard bien humain.

Ardre cent feus dedens mon sein.
Mais que sert toute la caresse

Que je reçoy de ma maitresse ?
Et que me vaut passer les jours

En telle espérance d'amours.

Si les nuiz de mile ennuiz pleines

Rendent mes espérances veines ?

Et les jours encor plein d'ennuiz,
Qu'absent de la belle je suiz,

Quand je meurs, absent de la belle.

Ou quand je meurs présent près d'elle

N'osant montrer (o dur tourment!)
Comme je l'ayme ardantement?


Celui vraiment est misérable
Qu'amour, voire estant favorable.
Rend de sa flame langoureus.
Chetif quiconque est amoureus.
Par qui si cher est estimée


Une si légère fumée

D'un plaisir suivi de si près
De tant d'ennuiz qui sont après.
Si ' ay je aussi cher estimée
Une si légère fumée.