La Chanson du Mal-aimé de Guillaume Apollinaire (1880 - 1918) - Voir la liste des autres Poèmes de Guillaume Apollinaire à Paul Léautaud.
Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s'il meurt un soir Le matin voit sa renaissance.
Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu'il me jeta Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon
Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d'Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n'es pas l'amour unique
Au tournant d'une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant
C'était son regard d'inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d'une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l'amour même
Lorsqu'il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d'un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu'il revînt
L'époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D'attente et d'amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle
J'ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l'enfer se fonde Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre
J'ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés
Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s'éloigne Avec celle que j'ai perdue L'année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus
Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses
Je me souviens d'une autre année C'était l'aube d'un jour d'avril J'ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l'amour à voix virile Au moment d'amour de l'année
- AUBADE - CHANTÉE A LÆTARE, UN AN PASSÉ
C'est le printemps viens-t'en Pâquette Te promener au bois joli Les poules dans la cour caquètent L'aube au ciel fait de roses plis L'amour chemine à ta conquête
Mars et Vénus sont revenus Ils s'embrassent à bouches folles Devant des sites ingénus Où sous les roses qui feuillolent De beaux dieux roses dansent nus
Viens ma tendresse est la régente De la floraison qui paraît La nature est belle et touchante Pan sifflote dans la forêt Les grenouilles humides chantent
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Beaucoup de ces dieux ont péri C'est sur eux que pleurent les saules Le grand Pan l'amour Jésus-Christ Sont bien morts et les chats miaulent Dans la cour je pleure à Paris
Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes années Des hymnes d'esclave aux murènes La romance du mal aimé Et des chansons pour les sirènes
L'amour est mort j'en suis tremblant J'adore de belles idoles Les souvenirs lui ressemblant Comme la femme de Mausole Je reste fidèle et dolent
Je suis fidèle comme un dogue Au maître le lierre au tronc Et les Cosaques Zaporogues Ivrognes pieux et larrons Aux steppes et au décalogue
Portez comme un joug le Croissant Qu'interrogent les astrologues Je suis le Sultan tout-puissant O mes Cosaques Zaporogues Votre Seigneur éblouissant
Devenez mes sujets fidèles Leur avait écrit le Sultan Ils rirent à cette nouvelle Et répondirent à l'instant A la lueur d'une chandelle
- RÉPONSE DES COSAQUES ZAPOROGUES AU SULTAN DE CONSTANTINOPLE -
Plus criminel que Barrabas Cornu comme les mauvais anges Quel Belzébuth es-tu là-bas Nourri d'immondice et de fange Nous n'irons pas à tes sabbats
Poisson pourri de Salonique Long collier des sommeils affreux D'yeux arrachés à coup de pique Ta mère fit un pet foireux Et tu naquis de sa colique
Bourreau de Podolie Amant Des plaies des ulcères des croûtes Groin de cochon cul de jument Tes richesses garde-les toutes Pour payer tes médicaments
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Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses
Regret des yeux de la putain Et belle comme une panthère Amour nos baisers florentins Avaient une saveur amère Qui a rebuté nos destins
Ses regards laissaient une traîne D'étoiles dans les soirs tremblants Dans ses yeux nageaient les sirènes Et nos baisers mordus sanglants Faisaient pleurer nos fées marraines
Mais en vérité je l'attends Avec mon coeur avec mon âme Et sur le pont des Reviens-t'en Si jamais revient cette femme Je lui dirai Je suis content
Mon coeur et ma tête se vident Tout le ciel s'écoule par eux O mes tonneaux des Danaïdes Comment faire pour être heureux Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier Ma colombe ma blanche rade O marguerite exfoliée Mon île au loin ma Désirade Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes Les égypans les feux follets Et les destins damnés ou faustes La corde au cou comme à Calais Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins La licorne et le capricorne Mon âme et mon corps incertain Te fuient ô bûcher divin qu'ornent Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire Tes prêtres fous t'ont-ils paré Tes victimes en robe noire Ont-elles vainement pleuré Malheur dieu qu il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant Dieu de mes dieux morts en automne Tu mesures combien d'empans J'ai droit que la terre me donne O mon ombre ô mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes Je t'ai menée souviens-t'en bien Ténébreuse épouse que j'aime Tu es à moi en n'étant rien O mon ombre en deuil de moi-même
L'hiver est mort tout enneigé On a brûlé les ruches blanches Dans les jardins et les vergers Les oiseaux chantent sur les branches, Le printemps clair l'avril léger Mort d'immortels argyraspides La neige aux boucliers d'argent Fuit les dendrophores livides Du printemps cher aux pauvres gens Qui resourient les yeux humides
Et moi j'ai le coeur aussi gros Qu'un cuI de dame damascène O mon amour je t'aimais trop Et maintenant j'ai trop de peine Les sept épées hors du fourreau
Sept épées de mélancolie Sans morfil ô claires douleurs Sont dans ton coeur et la folie Veut raisonner pour mon malheur Comment voulez-vous que j'oublie
- LES SEPT ÉPEES -
La première est toute d'argent Et son nom tremblant c'est Pâline Sa lame un ciel d'hiver neigeant Son destin sanglant gibeline Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommée Noubosse Est un bel arc-en-ciel joyeux Les dieux s'en servent à leurs noces Elle a tué trente Bé-Rieux Et fut douée par Carabosse
La troisième bleu féminin N'en est pas moins un chibriape Appelé Lul de Faltenin Et que porte sur une nappe L'Hermès Ernest devenu nain
La quatrième Malourène Est un fleuve vert et doré C'est le soir quand les riveraines Y baignent leurs corps adorés Et des chants de rameurs s'y trainent
La cinquième Sainte-Fabeau C'est la plus belle des quenouilles C'est un cyprès sur un tombeau Où les quatre vents s'agenouillent Et chaque nuit c'est un flambeau
La Sixième métal de gloire C'est l'ami aux si douces mains Dont chaque matin nous sépare Adieu voilà votre chemin Les coqs s'épuisaient en fanfares
Et la septième s'exténue Une femme une rose morte Merci que le dernier venu Sur mon amour ferme la porte Je ne vous ai jamais connue
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Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses
Les démons du hasard selon Le chant du firmament nous mènent A sons perdus leurs violons Font danser notre race humaine Sur la descente à reculons
Destins destins impénétrables Rois secoués par la folie Et ces grelottantes étoiles De fausses femmes dans vos lits Aux déserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince régent Tuteur de deux royautés folles Sanglote-t-il en y songeant Quand vacillent les lucioles Mouches dorées de la Saint-Jean
Près d'un château sans châtelaine La barque aux barcarols chantants Sur un lac blanc et sous l'haleine Des vents qui tremblent au printemps Voguait cygne mourant sirène
Un jour le roi dans l'eau d'argent Se noya puis la bouche ouverte Il s'en revint en surnageant Sur la rive dormir inerte Face tournée au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre Brûle mes doigts endoloris Triste et mélodieux délire J'erre à travers mon beau Paris Sans avoir le coeur d'y mourir
Les dimanches s'y éternisent Et les orgues de Barbarie Y sanglotent dans les cours grises Les fleurs aux balcons de Paris Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin Flambant de l'électricité Les tramways feux verts sur l'échine Musiquent au long des portées De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée Crient tout l'amour de leurs tziganes De tous leurs siphons enrhumés De leurz garçons vêtus d'un pagne Vers toi toi que j'ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes années Des hymnes d'esclave aux murènes La romance du mal aimé Et des chansons pour les sirènes Guillaume Apollinaire (1880 - 1918) Poèmes de Guillaume Apollinaire |