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Les Colombes

   Deux belles s'étaient baisées... Le poète-berger, témoin jalouxde leurs caresses, chante ainsi :
 
            « Que lesdeux beaux oiseaux, les colombes fidèles,
            Se baisent. Pours'aimer les dieux les firent belles.
            Sur leur têtemobile, un cou blanc délicat,
            Se plie, et de laneige effacerait l'éclat.
            Leur voix est pureet tendre, et leur âme innocente,
            Leurs yeux doux etsereins, leur bouche caressante.
            L'une a dit à sasoeur : « Ma soeur . . . . . . . .
 
   Ma soeur, en un tel lieu croissent l'orge et le millet...
 
            L'autour etl'oiseleur, ennemis de nos jours,
            De ce réduit,peut-être, ignorent les détours,
            Viens . . . . . .. . . . . . . . . . .
 
   Je te choisirai moi-même les graines que tu aimes, et mon becs'entrelacera dans le tien. »
 
            . . . . . . . . .. . . . . . . . . . .
            L'autre a dit àsa soeur : « Ma soeur une fontaine
            Coule dans cebosquet . . . . . . . . . . . .
 
   L'oie ni le canard n'en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris...Viens, nous y trouverons une boisson pure.
 
            Et nous ybaignerons notre tête et nos ailes,
 
   et mon bec ira polir ton plumage. » - Elles vont, elles sepromènent en roucoulant au bord de l'eau ; elles boivent, se baignent, mangent,puis, sur un rameau, leurs becs s'entrelacent ; elles se polissent leur plumage l'uneà l'autre.
 
            Le voyageur,passant en ces fraîches campagnes,
            Dit :« Ô les beaux oiseaux ! ô les belles compagnes ! »
 
            Il s'arrêtalongtemps à contempler leurs jeux ;
            Puis, reprenant saroute et les suivant des yeux,
            Dit :« Baisez, baisez-vous, colombes innocentes,
            Vos coeurs sontdoux et purs et vos voix caressantes ;
            Sur votre aimabletête, un cou blanc, délicat,
            Se plie, et de laneige effacerait l'éclat. »

AndréChénier (1762 ; 1794)