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ELEGIES

AU MEDECIN DE MA MERE

M Taranget, de Douai.
toi dont l' âme à la fois lumineuse et sensible
sur nos pâles douleurs s' use comme un flambeau,
duelliste sublime et vainqueur du tombeau,
laisse chanter mon coeur sous ton laurier paisible ;
laisse-le se rouvrir au rayon qu' autrefois
ton regard attacha sur un enfant débile,
qui n' oublia jamais, dans son destin mobile,
que ton nom a tremblé dans sa fébrile voix ;
que ta main de mon père entr' ouvrait la demeure
quand Dieu sous ta figure y désaffligeait l' heure,
alors que maladive et lourde à mon berceau,
comme l' oiseau blessé pèse sur un roseau,
l' heure traînait son vol au toit de ma famille
et menaçait d' éteindre une petite fille ;
que c' est ta volonté qui ralluma mon sort,
qui me reprit deux fois dans l' aile de la mort,
et quand je vacillais, luciole éphémère,
me rendit toute vive aux larmes de ma mère.
Oui, tu plains de nos maux la triste profondeur,
toi ! Tu comprends tout l' homme en t' écoutant
toi-même,
car ton étoile veuve au sein de sa splendeur,
sait que l' on meurt déjà quand on perd ce qu' on aime.
Ne meurs pas ! Souffre encore ! Aide-nous à souffrir !
Laisse à mon doux pays ta charité savante,
à quelque humble famille une mère vivante
et quelque pauvre enfant qui ne veut pas mourir !

Marceline Desbordes-Valmore (1786 - 1859)

Poèmes de Marceline Desbordes-Valmore