Par toi, ami, tant vécus enflammée- Louise labéPoèmes de Louise Labé Tu es, tout seul, tout mon mal et mon bien ; Avec toi tout, et sans toi je n'ai rien ; Et, n'ayant rien qui plaise à ma pensée, De tout plaisir me trouve délaissée, Et, pour plaisir, ennui saisir me vient, Le regretter et pleurer me convient, Et sur ce point entre en tel déconfort Que mille fois je souhaite la mort. Ainsi, ami, ton absence lointaine Depuis deux mois me tient en cette peine, Ne vivant pas, mais mourant d'un amour Lequel m'occit dix mille fois le jour, Reviens donc tōt, si tu as quelque envie De me revoir encor' un coup en vie ; Et si la mort avant ton arrivée A de mon corps l'aimante āme privée, Au moins un jour viens, habillé de deuil, Environner le tour de mon cercueil, Que plūt à Dieu que lors fussent trouvés Ces quatre vers en blanc marbre engravés : Par toi, ami, tant vécus enflammée Qu'en languissant par feu suis consumée, Qui couve encor sous ma cendre embrasée Si ne la sens de tes pleurs apaisée. Je vis, je meurs : je me brūle et me noyé. J'ay chaut estreme en endurant froidure : La vie m'est et trop molle et trop dure. J'ai grans ennuis entremeslez de joye : Tout à un coup je ris et je larmoyé, Et en plaisir maint grief tourment j'endure : Mon bien s'en va, et à jamais il dure : Tout en un coup je seiche et je verdoyé. Ainsi Amour inconstamment me meine : Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me treuve hors de peine. Puis, quand je croy ma joye estre certeine, Et estre au haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur. |