poesie Suivez-vous sur Twitter : Facebook :

poeme

 

Matin

 

N'eus-je pas une fois une jeunesse aimable, héroïque, fabuleuse, à écrire sur desfeuilles d'or, - trop de chance! Par quel crime, quelle erreur, ai-je mérité mafaiblesse actuelle? Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin,que des malades désespèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute etmon sommeil. Moi, je ne puis pas plus m'expliquer que le mendiant avec ses continuelsPater et Ave Maria. Je ne sais plus parler!

Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bienl'enfer; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes.

Du même désert, à la même nuit, toujours mes yeux las se réveillent à l'étoiled'argent, toujours, sans que s'émeuvent les Rois de la vie, les trois mages, le coeur,l'âme, l'esprit. Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer lanaissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, lafin de la superstition, adorer - les premiers! - Noël sur la terre!

Le chant des cieux, la marche des peuples! Esclaves, ne maudissons pas la vie.

Arthur Rimbaud (1854 ; 1891)

Poèmes de Arthur Rimbaud