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Matinée d'ivresse

 

Ô mon Bien ! ô mon Beau ! Fanfare atroce où je ne trébuche point ! Chevaletféerique ! Hourra pour l'oeuvre inouïe et pour Ie corps merveilleux, pour la premièrefois ! Cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux. Ce poison va resterdans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendus à l'ancienneinharmonie. ô maintenant nous si digne de ces tortures ! rassemblons fervemment cettepromesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés: cette promesse, cettedémence ! L'élégance, la science, la violence ! On nous a promis d'enterrer dansl'ombre l'arbre du bien et du mal, de déporter les honnêtetés tyranniques, afin quenous amenions notre très pur amour. Cela commença par quelques dégoûts et cela finit,- ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité, - cela finit par une débandadede parfums. Rire des enfants, discrétion des esclaves, austérité des vierges, horreurdes figures et des objets d'ici, sacrés soyez-vous par le souvenir de cette veille. Celacommençait par toute la rustrerie, voici que cela finit par des anges de flamme et deglace. Petite veille d'ivresse, sainte ! quand ce ne serait que pour le masque dont tu asgratifié. Nous t'affirmons, méthode ! Nous n'oublions pas que tu as glorifié hierchacun de nos âges. Nous avons foi au poison. Nous savons donner notre vie tout entièretous les jours. Voici le temps des Assassins.

Arthur Rimbaud (1854 ; 1891)

Poèmes de Arthur Rimbaud