ParadeDes drôles très solides. Plusieurs ont exploité vos mondes. Sans besoins, et peupressés de mettre en oeuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vosconsciences. Quels hommes mûrs ! Des yeux hébétés à la façon de la nuit d'été,rouges et noirs, tricolores, d'acier piqué d'étoiles d'or; des faciès déformés,plombés, blêmis, incendiés; des enrouements folâtres ! La démarche cruelle desoripeaux ! - Il y a quelques jeunes, - comment regarderaient-ils Chérubin ?- pourvus devoix effrayantes et de quelques ressources dangereuses. On les envoie prendre du dos enville, affublés d'un luxe dégoûtant. ô le plus violent Paradis de la grimace enragée ! Pas de comparaison avec vos Fakirs etles autres bouffonneries scéniques. Dans des costumes improvisés avec le goût dumauvais rêve ils jouent des complaintes, des tragédies de malandrins et de demi-dieuxspirituels comme l'histoire ou les religions ne l'ont jamais été. Chinois, Hottentots,bohémiens, niais, hyènes, Molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlentles tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales. Ilsinterpréteraient des pièces nouvelles et des chansons "bonnes filles". Maîtres jongleurs, ils transforment le lieu et les personnes, et usent de la comédiemagnétique. Les yeux flambent, le sang chante, les os s'élargissent, les larmes et desfilets rouges ruissellent. Leur raillerie ou leur terreur dure une minute, ou des moisentiers. J'ai seul la clef de cette parade sauvage. Arthur Rimbaud (1854 ; 1891) Poèmes de Arthur Rimbaud
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