La Distillatrice

Je crois que le paysage portait la blessure du soleil
Un point mort par-dessus l'épaule fragile de l'horizon
Des rayons jonchaient encore les terres pillées de septembre
Tandis que dans les blés mourants un ange agonisait
Avec des pleurs brûlants de silence
Le comble de la beauté était inconsolable à mon humble regard
Je m'en remettais à la route qui délabrait les campagnes de mai
A ces mots que tu écrivais dans l'air, aux fleurs épargnées
Mais rien ne m'éloignait de la noirceur divine de ma conscience
Je me perdais dans d'interminables nuits

Nous écrivons encore

Dans la lumière abolie

Quand les anges referment leurs poings bleuis

Et nos yeux et les roses

D'un vague sourire brûlant à l’horizon



Sur quel cahier égaré avons-nous recopié les beaux jours d’été

Les bleuets et les hirondelles à fleur de peau

Le baiser tiède du blé au coin des lèvres ?

Je ne t’écris plus
Que dans la marge des nuits
A l’encre volatile de mes rêves
Un enfant parle aux étoiles
Avec son pesant d’or et de sel dans les yeux
Nuits inconsolables  
A broyer le noir des mots

Me crois-tu
Lorsque je parle de tarir
Toutes les sources de la Nuit
En un seul mot ?

Je n'ai pas appris à parler sans bleu...

Il faudra parfaire la nuit

D’un geste magnifique

A la barre des cieux

Toucher l’océan



Ta peau sera bleue

D’une beauté qui fait mal

Sur la proue du soleil



Je ramasserai pour toi

L'or jeté au visage trouble des anges

L’encre renversée sur la parole de Dieu



Le vent se retient en quelques mots simples

Dis  Zéphyr  dis  Bora

La mer en une simple syllabe

Qui s’écrit puis s’efface

S'efface puis s'écrit

Au gré des rivages et des horizons



Parfois l’abîme parfois l’amour

Au bout des phalanges


Des visages   des mots