Je voyais son gargantuesque fessier le jour comme la nuit, en rêve comme éveillé. Quand je déjeunais le midi au restaurant d'entreprise (l'infâme cantine, devrais-je dire) la coupelle de jelly me les rappelait, douloureusement, cruellement. Ma cuillère la remuait dans tous les sens, et son floc-floc ravivait dans mes yeux le souvenir encore frais de nos jeux sensuels, pratiqués encore la veille au soir.
Toute l'après-midi (qui me paraissait sans fin) je les voyais dans ma tête bouger de cette manière, comme une vaste houle, nonchalante, indolente, onduler interminablement sous l'impulsion d'une chiquenaude, ou d'une tape légère.
Je me revoyais, pâtissier aux grandes mains fortes, pétrir la pâte blanche et molle, souple et élastique. Bref... je me perdais en rêveries paresseuses, complètement sous l'emprise de cette vision et de mon adoration quasi-fétichiste, n'attendant que le terme de cette journée et qu'arrive enfin la soirée où je pourrais à nouveau donner libre court à ma créativité toute artistique (l'amour n'est-il pas un art ?)
Même lorsque nos étreintes avaient pris fin, tard dans la soirée, et que je m'endormais à l'hôtel du cul tourné, je ne voyais que lui.
J'avais conscience que je m'anéantissais complètement, me laissais consumer par ce feu comme d'aucuns devenaient esclaves de leur passion dévorante pour le jeu.
Qu'allais-je devenir ? Allais-je perdre toute maîtrise de moi-même, ma dignité, mon emploi en même temps que mon gagne-pain et mon statut social...?
Heureusement ma langue finit par me ramener à la raison et par reprendre le contrôle sur ma vie, ainsi que sur mes yeux et mes mains. C'est qui le chef, quand même...?!
Dans l'empire des sens, le toucher et la vue ne sont pas l'empereur et le shogun ! J'étais et resterais un homme de goût.
Ainsi, je commençai ma propre reprise en main (si je puis dire) en baissant la lumière une fois sur deux lors de nos ébats, afin que ma vision obsédante et rémanente devienne moins pregnante.
Voici donc, pour résumer un peu, la preuve – par l'exemple – qu'une banale histoire de cul peut devenir une véritable et grande histoire d'amour.
Je coulais des jours heureux. Tout me réussissait : travail, amour... la vie, quoi !
Et bien que furieusement fidèle car indiciblement épris de ma dulcinée aux rotondités charnelles, les femmes continuaient à me sourire ; mais j'avais appris à décliner poliment toute invitation, sans toutefois les froisser.
Cette attirance que je suscitais toujours de la part de la gent du beau sexe restait pour moi un mystère, ayant toujours été doté d'un physique quelconque.
Peu importe, après tout. Tel était le thème de ma réflexion alors que je souriais à la vie grouillante et au ciel bleu, sereinement attablé à une terrasse, attendant que mon tendre amour sorte du bureau, en sirotant une « Ale ».
« Va vraiment falloir que j'arrive à mettre fin à ce tic idiot », me dis-je, en me rendant compte que j'étais encore en train de me lécher les sourcils.
FIN
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