
Promenade
#1
Posted 06 November 2006 - 10:48 AM
Où l’Obélisque assis nous parle de là-bas,
De ce pays pillé par les archéologues,
L’Égypte humiliée (et tous ses astrologues),
Et j’enfile en chantant la rue psycho-rigide,
Rivoli, sèchement commerçante et frigide,
Encombrée de vulgaire imposant, seule rue
À donner l’impression d’un balai dans le cul,
Puis rue de Richelieu je rêve un petit peu :
C’est la Bibliothèque et ses charmants murs creux
Pleins de savoir désuet et de la pompe sale
Qu’abrite un bâtiment qui n’est plus qu’une escale,
Plus loin, près du métro, sévissent des Gars d’ Z’arts,
Et je pense à Brassens, timide et doux fêtard,
Pour qui « mélancolie » rimait avec « humour »,
Lui qui sans mièvrerie savait parler d’amour,
Peut-être passait-il parfois par les deux Îles
(Ou, bourgeoises déjà, on peut supposer qu’il
Les évitait), pour moi, je m’y promène à l’aise ;
La bourgeoise que suis, pétrie dans cette glaise,
Arrive au débouché de la rue Mouffetard
Qu’étudiante, j’avais trouvée dans le brouillard
Lorsque le nez au vent je flânais dans Paris,
Avant les déceptions, avant d’être marrie
(N’y pensons plus), voilà déjà mon cher Luco,
Devant, au carrefour, sa fontaine Arts Déco
Que j’ai vue autrefois recouverte de glace
(Tout était gelé, l’eau, mon cœur et ma carcasse),
Tiens, j’arrive à la Tour (Eiffel, Trocadéro :
Le passage obligé, pour nain ou pour héros),
D’où un jour s’est jeté l’Homme-Oiseau, malheureux,
Cher Icare empêtré dans ses rêves fumeux,
En traversant le fleuve et en suivant l’aval,
Le Palais Gruyère, aïe ! me met les yeux à mal,
Verrue pompidolienne aux berges de la Seine,
Berk berk berk berk berk berk berk berk berk ! pour la peine
(Avant la joie), je traverse au pont Mirabeau
Que Brassens a chanté aussi ; pas de sabot
Unique aux pieds : j’arrive au parc Georges Brassens
(Justement) (oh là là, tout ce trajet à pinces !),
(Ce fantôme Brassens franchement m’escagasse :
Me voilà au cimetière du Montparnasse !
Fuyons), oh ! foutredieu, c’est là que je suis née,
Place d’Italie (que j’ai été déclarée),
De la gare de Lyon longtemps je suis partie,
J’y ai pris force trains s’arrêtant à Vichy,
Tout près à un moment du Centre de l’Europe
Des douze (Maastricht, quelle sacrée salope !),
Un pincement au cœur en passant à Charonne,
Ce métro où le cri des écrasés résonne
Encore, ah ! Saint Martin, j’aime bien ce canal,
J’espère qu’on ne peut pas l’appeler rénal
À force d’accueillir les urines passantes,
Heureuse de te voir, Opéra amarante
(Non, doré, ah ! la rime ! enfin, c’est le couchant),
Où mon fils a aimé écouter de beaux chants,
Tiens, Péreire, où vivait avant une grand-tante
(Elle est morte), l’église Saint-Bernard méfiante,
Qui fut prise par les sans-papiers, puis les flics,
Voilà dix ans : la police, pas de réplique,
La porte de la Villette, tout près de là
Où il y a peu encore, je travaillais à
L’informatique d’un grand groupe industriel
(Époque révolue j’espère : sort cruel),
Et c’est près des Lilas que finit l’odyssée,
Porte par où Brassens dans Paris est entré
(Dit la chanson), là où je m’assieds sur un banc
(Public ; Brassens, tais-toi) et ouvre un œil béant
Sur mes pauvres petons écrasés, laids, perclus
D’avoir d’un seul tenant tout Paris parcouru :
Dans l’ordre huit, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,
Seize, quinze, quatorze, et avant le dix-sept,
Encore le treize, le douze, onze, dix, neuf,
Après : dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt ; et quel bœuf
J’ai la sensation d’être, épuisé sous le joug,
Regardant le sillon absurde, tordu, mou,
Qu’aveuglément il a creusé, pauvre cinglé
D’un fouet qu’il ne comprend pas, le bœuf qui, gelé,
Boit encore, gourmand, l’air acéré qui soûle,
Finit par fléchir les genoux, et mort s’écroule !
#2
Posted 06 November 2006 - 11:09 AM
C'est bien balancé.
J'ai fondu pour
[...]
Et j’enfile en chantant la rue psycho-rigide,
Rivoli, sèchement commerçante et frigide,
Encombrée de vulgaire imposant, seule rue
À donner l’impression d’un balai dans le cul,
Puis rue de Richelieu je rêve un petit peu :
C’est la Bibliothèque et ses charmants murs creux
Pleins de savoir désuet et de la pompe sale
Qu’abrite un bâtiment qui n’est plus qu’une escale,
Plus loin, près du métro, sévissent des Gars d’ Z’arts,
Et je pense à Brassens, timide et doux fêtard,
Pour qui « mélancolie » rimait avec « humour »,
Lui qui sans mièvrerie savait parler d’amour,
Peut-être passait-il parfois par les deux Îles
(Ou, bourgeoises déjà, on peut supposer qu’il
Les évitait), pour moi, je m’y promène à l’aise ;
La bourgeoise que suis, pétrie dans cette glaise,
Arrive au débouché de la rue Mouffetard
Qu’étudiante, j’avais trouvée dans le brouillard
Lorsque le nez au vent je flânais dans Paris,
Avant les déceptions, avant d’être marrie
(N’y pensons plus), voilà déjà mon cher Luco,
Devant, au carrefour, sa fontaine Arts Déco
Que j’ai vue autrefois recouverte de glace
(Tout était gelé, l’eau, mon cœur et ma carcasse),
Tiens, j’arrive à la Tour (Eiffel, Trocadéro :
Le passage obligé, pour nain ou pour héros),
D’où un jour s’est jeté l’Homme-Oiseau, malheureux,
Cher Icare empêtré dans ses rêves fumeux,
En traversant le fleuve et en suivant l’aval,
Le Palais Gruyère, aïe ! me met les yeux à mal,
Verrue pompidolienne aux berges de la Seine,
Berk berk berk berk berk berk berk berk berk ! pour la peine
(Avant la joie), je traverse au pont Mirabeau
Que Brassens a chanté aussi ; pas de sabot
Unique aux pieds : j’arrive au parc Georges Brassens
(Justement) (oh là là, tout ce trajet à pinces !),
(Ce fantôme Brassens franchement m’escagasse :
Me voilà au cimetière du Montparnasse !
Fuyons), oh ! foutredieu, c’est là que je suis née,
Place d’Italie (que j’ai été déclarée),
De la gare de Lyon longtemps je suis partie,
J’y ai pris force trains s’arrêtant à Vichy,
Tout près à un moment du Centre de l’Europe
Des douze (Maastricht, quelle sacrée salope !),
Un pincement au cœur en passant à Charonne,
Ce métro où le cri des écrasés résonne
Encore, ah ! Saint Martin, j’aime bien ce canal,
J’espère qu’on ne peut pas l’appeler rénal
À force d’accueillir les urines passantes,
Heureuse de te voir, Opéra amarante
(Non, doré, ah ! la rime ! enfin, c’est le couchant),
Où mon fils a aimé écouter de beaux chants,
Tiens, Péreire, où vivait avant une grand-tante
(Elle est morte), l’église Saint-Bernard méfiante,
Qui fut prise par les sans-papiers, puis les flics,
Voilà dix ans : la police, pas de réplique,
[...]
presque tout, finalement.
#3
Posted 06 November 2006 - 11:43 AM
amicalement
Bohémia
#4
Posted 06 November 2006 - 01:44 PM
une telle longueur c'est casse gueule
et pourtant on se laisse entrainer
même sans connaître paris du tout
#5
Posted 06 November 2006 - 02:02 PM
#6
Posted 06 November 2006 - 03:26 PM
#7
Posted 06 November 2006 - 03:36 PM
superbe

#8
Posted 06 November 2006 - 07:44 PM
#9
Posted 06 November 2006 - 09:15 PM
Paris n'est pas une ville, c'est un théatre, la preuve! s'y joue une pièce en 20 actes , jamais la même mais toujours plein de charme...
#10
Posted 06 November 2006 - 09:19 PM

J'uis mettrais bien mon Picot jusqu'à la Racine dans son petit Four
Un vrai Havre
Elle Hoche la tête
M'exhibant sa Fourche
Quel Panorama
Bienvenüe semble me dire
Lacaille
Duroc me voilà devenu
Ah Lathuille
Je suis Auber de l'apoplexie...

#11
Posted 06 November 2006 - 09:28 PM
Bon, il y a des cotés un peu trop engagés pour un poème,
contre le centre Georges Pompidou ou l'Europe de Mastricht (pas de vrai rapport avec Paris).
Mais bravo pour cette belle originalité et la fin est très drôle !
(tu l'aimes vraiment beaucoup Brassens !)
#12
Posted 07 November 2006 - 01:55 AM
#13
Posted 07 November 2006 - 08:07 AM

Merci à toi Harry ! Comme digression, je dirais que l'Egypte est plus loin de Paris que Maastricht...
#14
Posted 07 November 2006 - 08:41 AM
et cette fascination pour Brassens
est un peu trop prégnante dans le texte
Joël
#15
Posted 07 November 2006 - 08:54 AM
Merci de ta lecture et de tes remarques !
#16
Posted 07 November 2006 - 07:19 PM
ca me reppele la chanson de pierre perret sur les stations de metro
un jour en me promenant dans paris je ferais peut etre le meme tour que toi
amitie
jean claude
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