sombredesir

Ma Douce, ma Sœur, mon Autre
Je ne sais te laisser
Car je suis Toi
Nous partirons ensemble
Je te garderai dans l’hiver
Tu dormiras en Moi
Et nous n’aurons plus froid

Je n’ai plus de visage
Rongé par la pluie
D’un méchant automne
Qu’importe
Tu n’es plus là pour me regarder

Je n’ai plus de jambes
Gelées de t’attendre
Sur un quai de gare
Qu’importe
Tu es parti à l’autre bout de moi

Je n’ai plus de mains
Arrachées par les dents
D’une plus belle que moi
Qu’importe
Je n'ai plus le droit de te caresser

Je n’ai plus de toit
Plus d’amis, je suis nue
Qu’importe
Puisque sans toi
Je n’ai besoin de rien

L’année de mes dix sept ans j’ai fugué
J’ai marché comme un dément
Toute une saison
Je ne sais pas ce que j’ai vu
Il n’y avait rien de chaque côté de la route
Je vivais tourné à l’intérieur
Personne ne s’est inquiété de moi
Dans les poubelles
Je trouvais toujours un journal
Celui que lisent mes parents
Quand ils ne s’engueulent pas
Pas la moindre petite annonce
J’aurais pu tout aussi bien ne jamais revenir
Quand il a fait trop froid je suis rentré
Ils n’ont pas eu l’air trop surpris
Ma mère a juste dit
« T’aurais pu rapporter le pain »
Et mon père a ajouté
« Ta copine s’est fait mettre en cloque »

Il pleuvait à seaux depuis des heures
Et ça faisait des heures que je faisais du stop dans ce coin paumé
Il est peut-être passé trois ou quatre vieilles bagnoles
Et même une espèce de corbillard
Ma copine m’avait dit que c’était pas un bon plan le stop dans le coin
Seulement j’avais plus de tunes pour le train
Alors je marchais comme un con
Je commençais à plus trop y voir tellement il pleuvait
Mais je l’ai entendu venir
Et s’écraser contre l’arbre
Vous n’allez pas le croire mais il faisait encore plus silence que le silence
Comme si tout était mort d’un seul coup
Sauf moi
J’ai couru jusqu’à l’arbre
Je l’ai sortie doucement de sa caisse toute pliée
J’ai pas mon brevet de secouriste, j’ai pas pu faire grand-chose
Je l’ai juste allongée de l’autre côté de l’arbre
Et j’ai mis ma veste toute trempée sous sa tête
Elle avait pas l’air mal en point pourtant
Elle souriait un peu même
Elle a pris ma main et l’a fourrée sous sa jupe
Vous n’allez pas le croire mais son ventre était tout froid
Il faisait une chaleur d’enfer depuis des jours
J’ai caressé son ventre jusqu’à la nuit
Ça faisait un moment que je savais qu’elle était morte
Mais j’ai continué encore et encore
J’ai fini par m’endormir sur son ventre
Au matin je lui ai fermé les yeux et j’ai recommencé à marcher
Une bagnole s’est arrêtée vers midi
J’ai rien raconté à ma copine

Comme dansent les chiens
La queue battant
Sur ma hanche
Ma Putain de hanche
Déboîtée
Et la fille du parloir
Qui m’attend en levrette

Comme meurent les chiens
La queue flasque
Sur ma Putain de hanche
Griffée
Au fond du caniveau
Un œil dans les étoiles
La langue sur le trottoir