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poeme

À Nîmes

    À Émile Léonard.

    Je me suis engagé sous le plus beau des cieux
    Dans Nice la Marine au nom victorieux

    Perdu parmi 900 conducteurs anonymes
    Je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes

    L'Amour dit Reste ici Mais là-bas les obus
    Épousent ardemment et sans cesse les buts

    J'attends que le printemps commande que s'en aille
    Vers le nord glorieux l'intrépide bleusaille

    Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts
    Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons

    Un bel après-midi de garde à l'écurie
    J'entends sonner les trompettes d'artillerie

    J'admire la gaieté de ce détachement
    Qui va rejoindre au front notre beau régiment

    Le territorial se mange une salade
    À l'anchois en parlant de sa femme malade

    4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux
    Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux

    Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures
    Un grand air d'opéra toi l'écoutant tu pleures

    Je flatte de la main le petit canon gris
    Gris comme l'eau de Seine et je songe à Paris

    Mais ce pâle blessé m'a dit à la cantine
    Des obus dans la nuit la splendeur argentine

    Je mâche lentement ma portion de bœuf
    Je me promène seul le soir de 5 à 9

    Je selle mon cheval nous battons la campagne
    Je te salue au loin belle rose ô tour Magne

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

Poèmes de Guillaume Apollinaire