J'étais, indigne, un jour, en la chambre au lit blanc Où Linda dans la glace admirait sa figure Et j'emportai, grâce au miroir, en m'en allant, La première raison de devenir parjure. Linda fut non pareille avant, mais aujourd'hui Je sais bien qu'elle est double au moins, grâce à la glace ; Mon cur par la raison où son amour l'induit Est parjure à présent pour la seconde face. Or, depuis ce jour-là, j'ai souvent comparé Dans la chambre où la glace accepte un pur mirage, La face de Linda, le visage miré, Mais mon cur pour élire a manqué de courage. Si, parjure toujours, pour choisir j'ai douté, Ce n'est pas qu'au miroir la dame soit plus belle ; Je l'adore pourtant d'être en réalité Et parce qu'elle meurt quand veut sa sur formelle. J'adore de Linda ce spécieux reflet Qui la simule toute et presque fabuleuse, Mais vivante vraiment, moderne comme elle est : La dame du miroir est si miraculeuse ! Et la glace où se fige un réel mouvement Reste froide malgré son détestable ouvrage. La force du miroir trompa plus d'un amant Qui crut aimer sa belle et n'aima qu'un mirage. Guillaume Apollinaire(1880 - 1918) Poèmes de Guillaume Apollinaire |