Je me souviens ce soir de ce drame indien Le Chariot d'Enfant un voleur y survient Qui pense avant de faire un trou dans la muraille Quelle forme il convient de donner à l'entaille Afin que la beauté ne perde pas ses droits Même au moment d'un crime Et nous aurions je crois À l'instant de périr nous poètes nous hommes Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté N'est la plupart du temps que la simplicité Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée Étaient restés debout et la tête penchée S'appuyant simplement contre le parapet J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit Dans les éboulements et la boue et le froid Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture Anxieux nous gardons la route de Tahure J'ai plus que les trois curs des poulpes pour souffrir Vos curs sont tous en moi je sens chaque blessure Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir Cette nuit est si belle où la balle roucoule Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule Parfois une fusée illumine la nuit C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit La terre se lamente et comme une marée Monte le flot chantant dans mon abri de craie Séjour de l'insomnie incertaine maison De l'Alerte la Mort et la Démangeaison Guillaume Apollinaire(1880 - 1918) Poèmes de Guillaume Apollinaire |