poesie Suivez-vous sur Twitter : Facebook :

poeme

Le poète

    Je me souviens ce soir de ce drame indien
    Le Chariot d'Enfant un voleur y survient
    Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
    Quelle forme il convient de donner à l'entaille
    Afin que la beauté ne perde pas ses droits
    Même au moment d'un crime
    Et nous aurions je crois
    À l'instant de périr nous poètes nous hommes
    Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes

    Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
    N'est la plupart du temps que la simplicité
    Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée
    Étaient restés debout et la tête penchée
    S'appuyant simplement contre le parapet

    J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait
    Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
    Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes

    Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
    Dans les éboulements et la boue et le froid
    Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
    Anxieux nous gardons la route de Tahure

    J'ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir
    Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure
    Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
    Cette nuit est si belle où la balle roucoule
    Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
    Parfois une fusée illumine la nuit
    C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit

    La terre se lamente et comme une marée
    Monte le flot chantant dans mon abri de craie
    Séjour de l'insomnie incertaine maison
    De l'Alerte la Mort et la Démangeaison

Guillaume Apollinaire(1880 - 1918)

Poèmes de Guillaume Apollinaire