Le moine de Santabarem Vêtu de noir et ses mains pâles étendues Clama " Lilith " Et dans la nuit blême Ululait une orfraie et le moine dit : " Je vois Lilith qui vole poursuivie Par trois anges... " - Ici s'arrête le grimoire rongé des vers Et je songe à la nuit, la lune À son premier quartier. Et je songe aux Empereurs byzantins. J'aperçois quelque autel dans un nuage D'encens Je fleure des roses de Jéricho, Et je vois briller des yeux adamantins de crapauds Et je songe au grimoire, Au parchemin rongé, À quelque chambre noire Où vit retiré un alchimiste. Et je rêve et le jour prend teinte d'améthyste Et je ne sais pourquoi Je songe de femme à barbe et de colosse triste Et je frissonne d'entendre en ma chambre derrière moi Comme un bruissement de soie. Guillaume Apollinaire(1880 - 1918) Poèmes de Guillaume Apollinaire |