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Les Doukhobors

    Les Doukhobors, ô frères, mes frères lointains
    Et la Mort qui n'existe pas est venue leur dire :
    " Venez ! vous serez armés de sabres, de lances, de fusils,
    Vous porterez des étendards, vous serez vêtus d'uniformes
    Et vous tuerez des hommes
    Si je vous le dis,
    Car l'Empereur ne veut pas tuer d'hommes,
    Lui ! "

    Les Doukhobors, ô frères, mes frères lointains.
    Ayant de tuer la volonté précise et touchante, innocente,
    La volonté plus forte encor de résister
    Pâles géants, Noëls altruistes et impies
    Partirent et puis un jour voyant près d'eux
    Héroïque et inerte Matvei Lebédeff
    Les chevaux sauvages hennissent dans les steppes
    On crie au loin, du milieu des steppes où l'on est libre.
    Les Doukhobors
    Aiguisèrent leurs épées claires
    Faites pour fendre les chairs
    Et se teinter de sang

    Ils ont creusé le sol
    Et le pétrole a jailli
    Sur le jet de la source bleuâtre
    Source d'enfer empuantie,
    Ils ont jeté les fusils, les épées, les lances
    Les idoles étendards que l'on a peur de perdre et qui flambent trèsbien,
    Les Doukhobors las des patries
    On fait flamber les étendards.
    La Mort qui n'existe pas sonna la charge
    Les cosaques chargèrent
    Mais ils eurent peur d'en trop tuer
    Et ce n'était pas fraternité

    Les Doukhobors ô frères, mes frères lointains,
    Menaçante la Mort qui n'existe pas leur dit :
    " Vous me niez !
    Tout meurt et tout est malade autour de moi
    Vous me niez !
    Je mourrai, (quand on meurt, je meurs)
    Sur votre liberté
    Et sur votre mensonge car je suis éternelle
    Et vous n'aurez jamais la liberté réale
    (Entre temps vous serez mes égaux et libres rien qu'en moi)
    Que vous voulez mondiale. "

    Les Doukhobors ; le soleil qui radiait
    Dut paraître à leurs yeux extasiés
    Espérant des remous
    Océaniques
    Des nations, là-bas, du côté d'Occident ou d'Amérique
    Le cou tranché d'une tête immense, intelligente
    Dont le bourreau n'osait montrer
    La face et les yeux larges pétrifiés
    À la foule ivre
    Et quel sang, et quel sang t'éclabousse, ô monde
    Sous ce cou tranché !

    PARMI le tan et le plantain
    Et les ruines légendaires
    Chaque richard stavelotain
    Ingurgitant diverses bières
    Et comptant les jours révolus
    En bon bourgeois songe aux affaires
    Pour le reste ce sont mystères
    Jusqu'au mariage c'est l'us
    À Stavelot pas de putain
    Le nu mérite les galères
    Chère cache ce blanc tétin !
    Et tous pourraient jeter pierres
    Les jeunes gens sont impollus
    Et des défunts célibataires
    Sont encore puceaux dans leurs bières
    Jusqu'au mariage c'est l'us.

Guillaume Apollinaire(1880 - 1918)

Poèmes de Guillaume Apollinaire