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Les poètes

    Au siècle qui s'en vient hommes et femmes fortes
    Nous lutterons sans maîtres au loin des cités mortes
    Sur nous tous les jours le guillotiné d'en haut
    Laissera le sang pleuvoir sur nos fronts plus beaux.

    Les poètes vont chantant Noël sur les chemins
    Célébrant la justice et l'attendant demain
    Les fleurs d'antan se sont fanées et l'on n'y pense plus
    Et la fleur d'aujourd'hui demain aura vécu.

    Mais sur nos cœurs des fleurs séchées fleurs de jadis
    Sont toujours là immarcescibles à nos cœurs tristes
    Je marcherai paisible vers les pays fameux
    Où des gens s'en allaient aux horizons fumeux

    Et je verrai les plaines où les canons tonnèrent
    Je bercerai mes rêves sur les vastes mers
    Et la vie hermétique sera mon désespoir
    Et tendre je dirai me penchant vers Elle un soir

    Dans le jardin les fleurs attendent que tu les cueilles
    Et est-ce pas ? ta bouche attend que je la veuille ?
    Ah ! mes lèvres ! sur combien de bouches mes lèvres ont posé
    Ne m'en souviendrai plus puisque j'aurai les siennes

    Les siennes Vanité ! Les miennes et les siennes
    Ah ! sur combien de bouches les lèvres ont posé
    Jamais jamais heureux toujours toujours partir
    Nos pauvres yeux bornés par les grandes montagnes

    Par les chemins pierreux nos pauvres pieds blessés
    Là-bas trop [près] du but notre bâton brisé
    Et la gourde tarie et la nuit dans les bois
    Les effrois et les lèvres l'insomnie et les voix

    La voix d'Hérodiade en rut et amoureuse
    Mordant les pâles lèvres du Baptiste décollé
    Et la voix des hiboux nichés au fond des yeuses
    Et l'écho qui rit la voix la voix des en allés

    Et la voix de folie et de sang le rire triste
    De Macbeth quand il voit au loin la forêt marcher
    Et ne songe pas à s'apercevoir des reflets d'or
    Soleil des grandes lances des dendrophores

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

Poèmes de Guillaume Apollinaire