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III- Le Falot
Le Masque. - Il fait noir; 
prête-moi ta lanterne. 
Mercurio. - Bah! les chats ont 
pour lanterne leurs deux yeux. 
Une nuit de carnaval. 
Ah! pourquoi me suis-je, ce soir, avisé qu'il y avait place à me 
blottir contre l'orage, moi petit follet de gouttière, dans le falot de 
Madame de Gourgouran! 


Je riais d'entendre un esprit que trempait l'averse bourdonner autour 
de la maison lumineuse, sans pouvoir trouver la porte par laquelle 
j'étais entré. 



Vainement me suppliait-il, enroué et morfondu, de lui permettre au 
moins de rallumer son rat de cave à ma bougie pour chercher sa route. 



Soudain le jaune papier de la lanterne s'enflamma, crevé d'un coup de 
vent dont gémirent dans la rue des enseignes pendantes comme des 
bannières. 



- « Jésus! miséricorde! s'écria la béguine, se signant des cinq doigts. 
- Le diable te tenaille, sorcière, m'écriai-je, crachant plus de feu 
qu'un serpenteau d'artifice. » 



Hélas! moi qui, ce matin encore, rivalisais de grâces et de parure avec 
le chardonneret à oreillettes de drap écarlate du damoisel de Luynes!

Aloysius Bertrand

Poèmes de Aloysius Bertrand