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IV- La Tour de Nesle
Il y avait à la tour de Nesle 
un corps-de-garde auquel se logeait le 
guet pendant la nuit. 
BRANTOME. 

« Valet de trèfle! - Dame de pique! de gagne! » Et le soudard qui 
perdait envoya d'un coup de poing sur la table son enjeu au plancher. 


Mais alors messire Hugues, le prévôt, cracha dans un brasier de fer 
avec la grimace d'un cagou qui a avalé une araignée en mangeant sa 
soupe. 



- « Pouah! les charcuitiers échaudent-ils leurs cochons à minuit? 
Ventre dieu! c'est un bateau de feurre qui brûle en Seine! » 


* * 



L'incendie qui n'était d'abord qu'un innocent follet égaré dans les 
brouillards de la rivière fut bientôt un diable à quatre tirant le 
canon et force arquebusades au fil de l'eau. 



Une foule innombrable de turlupins, de béquillards, de gueux de nuit 
accourus sur la grève, dansaient des gigues devant la spirale de flamme 
et de fumée. 



Et rougeoyaient face à face la tour de Nesle, d'où le guet sortit 
l'escopette sur l'épaule, et la tour du Louvre, d'où, par une fenêtre, 
le roi et la reine voyaient tout sans être vus.

Aloysius Bertrand

Poèmes de Aloysius Bertrand