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LA NUIT ET SES PRESTIGES 


I- La Chambre gothique
Nox et solitudo plenae sunt diabolo. 
Les Pères de l'Église. 

La nuit, ma chambre est pleine de 
diables. 
« Oh! la terre, - murmurai-je à la nuit, est un calice embaumé dont le 
pistil et les étamines sont la lune et les étoiles! » 


Et, les yeux lourds de sommeil, je fermai la fenêtre qu'incrusta la 
croix du calvaire, noire dans la jaune auréole des vitraux. 



* * 




Encore, - si ce n'était à minuit, - l'heure blasonnée de dragons et de 
diables! - que le gnome qui se soûle de l'huile de ma lampe! 



Si ce n'était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la 
cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né! 



Si ce n'était que le squelette du lansquenet emprisonné dans la 
boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou! 



Si ce n'était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, 
et trempe son gantelet dans l'eau bénite du bénitier! 



Mais c'est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma 
blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise!

Aloysius Bertrand

Poèmes de Aloysius Bertrand