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Le cygne

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d'avril qui croulent au soleil ;

Mais ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphyr,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux.
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Il cache son bec noir dans sa gorge éclatante.

Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,
Il serpente et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure.

Tantôt il pousse au large et loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azur,
Il choisit pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.

Puis quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,
A l'heure où toute forme est un spectre confus,
L'oiseau dans le lac sombre où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

Sully Prudhomme(1839-1907)