poesie Suivez-vous sur Twitter : Facebook :

poeme

Ballade

    À propos de deux ormeaux qu'il avait

    À Léon Vanier

    Mon jardin fut doux et léger
    Tant qu'il fut mon humble richesse :
    Mi-potager et mi-verger,
    Avec quelque fleur qui se dresse
    Couleur d'amour et d'allégresse,
    Et des oiseaux sur des rameaux,
    Et du gazon pour la paresse.
    Mais rien ne valut mes ormeaux.

    De ma claire salle à manger
    Où du vin fit quelque prouesse,
    Je les voyais tous deux bouger
    Doucement au vent qui les presse
    L'un vers l'autre en une caresse,
    Et leurs feuilles flûtaient des mots.
    Le clos était plein de tendresse.
    Mais rien ne valut mes ormeaux.

    Hélas ! quand il fallut changer
    De cieux et quitter ma liesse,
    Le verger et le potager
    Se partagèrent ma tristesse,
    Et la fleur couleur charmeresse,
    Et l'herbe, oreiller de mes maux,
    Et l'oiseau, surent ma détresse.
    Mais rien ne valut mes ormeaux.

    ENVOI

    Prince, j'ai goûté la simplesse
    De vivre heureux dans vos hameaux :
    Gaîté, santé que rien ne blesse.
    Mais rien ne valut mes ormeaux.

Paul Verlaine

Poèmes de Verlaine