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Sur un reliquaire

    Qu'on lui avait dérobé

    Seul bijou de ma pauvreté,
    Ton mince argent, ta perle fausse
    (En tout quatre francs), ont tenté
    Quelqu'un dont l'esprit ne se hausse,

    Parmi ces paysans cafards
    À vous dégoûter d'être au monde,
    - Tas d'Onans et de Putiphars ! -
    Que juste au niveau de l'immonde,

    Et le Témoin, et le Gardien,
    Le Grain d'une poussière illustre,
    Un ami du mien et du tien
    Crispe sur Lui sa main de rustre !

    Est-ce simplement un voleur,
    Ou s'il se guinde au sacrilège ?
    Bah ! ces rustiques-là ! Mais leur
    Gros laid vice que rien n'allège,

    Ne connaît rien que de brutal
    Et ne s'est jamais douté d'une
    Âme immortelle. Du métal,
    C'est tout ce qu'il voit dans la lune ;

    Tout ce qu'il voit dans le soleil,
    C'est foin épais et fumier dense,
    Et quand éclôt le jour vermeil,
    Il suppute timbre et quittance,

    Hypothèque, gens mis dedans,
    Placements, la dot de la fille,
    Crédits ouverts à deux battants
    Et l'usure au bout qui mordille !

    Donc, vol, oui, sacrilège, non.
    Mais le fait monstrueux existe
    Et pour cet ouvrage sans nom,
    Mon âme est immensément triste.

    Ô pour lui ramener la paix.
    Daignez, vous, grand saint Benoît Labre,
    Écouter les voeux que je fais,
    Peur que ma foi ne se délabre.

    En voyant ce crime impuni
    Rester inutile. Ô la Grâce,
    Implorez-la sur l'homme, et ni
    L'homme ni moi n'oublierons. Grâce !

    Grâce pour le pauvre larron
    Inconscient du péché pire !
    Intercédez, ô bon patron,
    Et qu'enfin le bon Dieu l'inspire,

    Que de ce débris de ce corps
    Exalté par la pénitence
    Sorte une vertu de remords,
    Et que l'exquis conseil le tance

    Et lui montre toute l'horreur
    Du vol et de ce vol impie
    Avec la torpeur et l'erreur
    D'un passé qu'il faut qu'il expie.

    Qu'il s'émeuve à ce double objet
    Et tremblant au son du tonnerre
    Respecte ce qu'il outrageait
    En attendant qu'il le vénère.

    Et que cette conversion
    L'amène à la foi de ses pères
    D'avant la Révolution.
    Ma Foi, dis-le-moi, tu l'espères ?

    Ma foi, celle du charbonnier !
    Ainsi la veux-je, et la souhaite
    Au possesseur, croyons dernier,
    De la sainte petite boîte !

Paul Verlaine

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