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La bonne chanson - II

    Toute grâce et toutes nuances
    Dans l'éclat doux de ses seize ans,
    Elle a la candeur des enfances
    Et les manèges innocents.

    Ses yeux, qui sont les yeux d'un ange,
    Savent pourtant, sans y penser,
    Éveiller le désir étrange
    D'un immatériel baiser.

    Et sa main, à ce point petite
    Qu'un oiseau-mouche n'y tiendrait,
    Captive, sans espoir de fuite,
    Le coeur pris par elle en secret.

    L'intelligence vient chez elle
    En aide à l'âme noble ; elle est
    Pure autant que spirituelle :
    Ce qu'elle a dit, il le fallait !

    Et si la sottise l'amuse
    Et la fait rire sans pitié,
    Elle serait, étant la muse,
    Clémente jusqu'à l'amitié,

    Jusqu'à l'amour - qui sait ? peut-être,
    À l'égard d'un poète épris
    Qui mendierait sous sa fenêtre,
    L'audacieux ! un digne prix

    De sa chanson bonne ou mauvaise !
    Mais témoignant sincèrement,
    Sans fausse note et sans fadaise,
    Du doux mal qu'on souffre en aimant.

Paul Verlaine

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