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Sagesse II - III - I

    Désormais le Sage, puni
    Pour avoir trop aimé les choses,
    Rendu prudent à l'infini,
    Mais franc de scrupules moroses,

    Et d'ailleurs retournant au Dieu
    Qui fit les yeux et la lumière,
    L'honneur, la gloire, et tout le peu
    Qu'a son âme de candeur fière,

    Le Sage peut, dorénavant,
    Assister aux scènes du monde,
    Et suivre la chanson du vent,
    Et contempler la mer profonde.

    Il ira, calme, et passera
    Dans la férocité des villes,
    Comme un mondain à l'Opéra
    Qui sort blasé des danses viles.

    Même, - et pour tenir abaissé
    L'orgueil, qui fit son âme veuve,
    Il remontera le passé,
    Ce passé, comme un mauvais fleuve !

    Il reverra l'herbe des bords,
    Il entendra le flot qui pleure
    Sur le bonheur mort et les torts
    De cette date et de cette heure !...

    Il aimera les cieux, les champs,
    La bonté, l'ordre et l'harmonie,
    Et sera doux, même aux méchants,
    Afin que leur mort soit bénie.

    Délicat et non exclusif,
    Il sera du jour où nous sommes :
    Son coeur, plutôt contemplatif,
    Pourtant sera l'oeuvre des hommes,

    Mais revenu des passions,
    Un peu méfiant des " usages "
    À vos civilisations
    Préférera les paysages.

Paul Verlaine

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