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poeme

Sagesse II - IV - VII

    - Certes, si tu le veux mériter, mon fils, oui,
    Et voici. Laisse aller l'ignorance indécise
    De ton coeur vers les bras ouverts de mon Église
    Comme la guêpe vole au lis épanoui.

    Approche-toi de mon oreille. Épanches-y
    L'humiliation d'une brave franchise.
    Dis-moi tout sans un mot d'orgueil ou de reprise
    Et m'offre le bouquet d'un repentir choisi.

    Puis franchement et simplement viens à ma table,
    Et je t'y bénirai d'un repas délectable
    Auquel l'ange n'aura lui-même qu'assisté,

    Et tu boiras le Vin de la vigne immuable
    Dont la force, dont la douceur, dont la bonté
    Feront germer ton sang à l'immortalité.

    Puis, va ! Garde une foi modeste en ce mystère
    D'amour par quoi je suis ta chair et ta raison,
    Et surtout reviens très souvent dans ma maison,
    Pour y participer au Vin qui désaltère,

    Au Pain sans qui la vie est une trahison,
    Pour y prier mon Père et supplier ma mère
    Qu'il te soit accordé, dans l'exil de la terre,
    D'être l'agneau sans cris qui donne sa toison,

    D'être l'enfant vêtu de lin et d'innocence,
    D'oublier ton pauvre amour-propre et ton essence,
    Enfin, de devenir un peu semblable à moi

    Qui fus, durant les jours d'Hérode et de Pilate
    Et de Judas et de Pierre, pareil à toi
    Pour souffrir et mourir d'une mort scélérate !

    Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
    Si doux qu'ils sont encor d'ineffables délices,
    Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
    La paix du coeur, l'amour d'être pauvre, et mes soirs

    Mystiques, quand l'esprit s'ouvre aux calmes espoirs
    Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
    Éternel, et qu'au ciel pieux la lune glisse,
    Et que sonnent les angélus roses et noirs,

    En attendant l'assomption dans ma lumière,
    L'éveil sans fin dans ma charité coutumière,
    La musique de mes louanges à jamais,

    Et l'extase perpétuelle et la science,
    Et d'être en moi parmi l'aimable irradiance
    De tes souffrances, enfin miennes, que j'aimais !

Paul Verlaine

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