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poésies bourgeoises

Posté par Ernestine Artner, 11 décembre 2007 · 517 visite(s)

Ernestine Hahn
Poésies bourgeoises


Vous souvient-il, cocodette un peu mûre
Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise,
Du temps joli


Parfois j’aimerais mourir pour plus jamais te revoir

I.

J’écris des poésies bourgeoises, je me sens si sage avec toi. Et pourtant j’ai cherché, cherché cette extase dont on parle.

J’écris des poésies bourgeoises emmitouflée dans mon ennui. Longueur d’une nuit sans envie.
J’écris des poésies bourgeoises sur toi mon amour aplati.
Je suis si sage en compagnie de tes amis l’envie me fuit et je n’aspire qu’à m’endormir, mourir de cette drôle de vie.
J’écris du fond de ton cocon toute la distance qui nous sépare, et j’ai cherché, cherché pourtant à m’évader
de cette démence.
Vomir cette nourriture trop riche.
Tout mon otium à ressasser que je me hais.
Tout mon argent pour transcender juste un instant ma destinée.

Et l’inertie tient lieu d’ersatz à mes envies de destruction. Tomber de ce poids tout entier.

Pour essayer de disparaître au moins un peu je rêve sans cesse jusqu’à ce point où tu t’estompes. Oh me complaire encore un peu dans cette demi démence !

Je ne sors plus de ma torpeur, j’accepte tout ce qu’on voudra. Je dirai tout ce qu’on voudra et je ferai ce qu’il faudra.
J’accepte tout ce qu’on voudra. Et je m’applique à engourdir toutes mes envies tout mon dégoût.
Je sais que le beau est banni de l’univers où nous vivons, toi et moi mon amour pragmatique.
J’écris des choses loin du sublime, entre deux eaux au ras du sol, de la moquette un peu ternie de ton deux pièces. J’écris pour dire que tout se vaut, et sur les questions d’art ou d’existence je laisse parler la voix de la doxa.

Je réitère quotidiennement des mouvements sans sentiment.

Je ne suis plus une ligne pure vers l’infini, et j’ai tant appris à t’attendre sans bruit qu’une torpeur indifférente peu à peu a remplacé mon attirance : ton absence prend le goût fade de l’oubli. Oh m’estomper comme un destin inaccompli !

II.

Je suis tout à moitié ce que je voudrais être. Je rêve de m’exiler dans un demi rêve où m’exhausser un peu. Me complaire au milieu d’un petit absolu, en écrivant prudemment des vers blancs, tremblants, sans talent.

Je suis tout à moitié ce que l’on voudrait être. Je suis la demi réussite, à moitié asociale et juste un peu pensive. Je suis cet objet pensant qui persiste à ne presque pas croire. Et je suis si semblable que je me fonds dans la foule.

III

Je n’ai pas pu comme ces poètes verlainiens écrire le plaisir un peu mièvre de notre semi bonheur. Et pourtant crois qu’il est des soirs où l’impatience de te revoir, mon semblable…
Je n’ai pas pu comme ces poètes écrire le plaisir normal de notre amour unique, et c’est pourquoi en rentrant j’ai refait le chemin de pensées qui me pousse à écrire ces poésies bourgeoises.
Au rythme sur les trottoirs de nos pas presque égaux j’ai les yeux baissés refait le chemin de pensées qui me pousse à écrire ces poésies bourgeoises.
Et j’ai senti ton contact se faire celui d’un être humain n’ayant rien de commun avec ce que je crois du monde.
Et j’ai senti ton monde s’éloigner subrepticement de celui de mes pensées confuses.
Et j’ai laissé monter dans un soupir étouffé cette sorte de sentiment que j’aime et je malmène à coups de raisonnable.
J’irai avec toi tout au bout de l’engourdissement.

IV

C’est un symptôme du dimanche soir que de s’apercevoir que rien ne compte.
La dérision terrasse le réel
et ses fades bourgeoises obligations.
Frileusement je rêve d’un morceau de rêve qui me serait échu,
mais je sais que mon engeance n’a droit qu’à l’étroit pragmatisme d’une vie sans émoi.
J’ai usé les mots que j’aimais à force de les écrire.
Je ne me soucie plus de théories, et l’art ne me touche qu’à demi. J’aurais voulu
Je ne peux plus. Je retourne sans bruit aux distractions insipides
qui me tiennent lieu d’absolu extatique.

V

Mon tort fut de croire qu’on pouvait croire (en moi, en toi, etc.). Ma punition un éternel ennui et une moitié de vie.

Un éternel ennui et une moitié de vie.
Un
Eternel
Ennui
Et
Une
Moitié
De
Vie
Et le plaisir vomissif de parler avec un être qui n’aime que quand il a le temps de choses insipides à toute vitesse en évitant toujours d’ébranler l’équilibre instable qui rend la fadeur supportable.
Un
Eternel
Ennui
Et
Une
Moitié
De
Vie
Et la bonne conscience de vomir quelquefois un peu de cette nourriture bourgeoise remplie de kilocalories
Un
Eternel
Ennui
Et
Une
Moitié
De
Vie
Et l’attitude narquoise qui ne me protège qu’à demi.

VI

Je meurs grasse et ronde avec l’air bien portant, si bien que personne ne peut voir ma souffrance. Et on m’enterrera dans une large fosse avec l’air ridicule et les jambes en dedans. Et ma graisse fondra dans la terre ; mais il sera trop tard.

VII

J’étouffe quand tu me crois heureuse, je mens un peu j’apprends doucement à faire semblant

d’être heureuse, je meurs un peu j’apprends doucement à faire semblant

de me plaire

Tu ne m’as pas saisie : je t’ai choisi pour parvenir à m’engourdir jusqu’à ne plus pouvoir respirer. Pour qu’au contact de tes pensées tronquées je ne sois plus tentée d’accorder à quoique ce soit une importance quelconque. Pour que dans tes bras je creuse douillettement ma tombe.

VIII
A Anne

Ah, Anne avoir été qu’une fois ces deux amants, au féminin
Avoir construit notre monde propre
Ah voir se dissoudre tout ça dans une destruction grandiose
Et moi
Dans l’apathique névrose
D’un demi sommeil.

IX
Sonnet bourgeois (écrit frileusement dans un cahier à feuilles quadrillées)

Un jour je publierai mes pensées oubliées
Pour que les gens rient de mes petites angoisses
Comme mon reflet rit me voyant des les glaces
De cette âme aplatie, difforme, inachevée.

Faiblesse de l’esprit créature inspirée
Ta langue naturelle peu à peu s’efface
Laisse nous donc en paix et éloigne la poisse
De ces fades angoisses sombres étriquées.

Mais un démon pleurant pourra voir mon reflet
Tout couvert d’apparences exactes et vraies
Et il adorera ce qu’il croira sentir

Pourra voir ou pensera alors deviner
Sous l’absence totale de sens figuré
De ce sonnet frileux présent et à venir…

X

Je ne veux plus rien dire qui ne soit insensé
Facéties et figures s’écrivent à peu près
Sous de l’apathie la dictée

Et puis si nous ne sommes que ce qu’on paraît
Si rien n’existe et tout est oublié
Inaccessible en vérité.

XI
Art poétique

Ecrire quelque chose sur notre décadence
Non pas d’artistique – puisque l’art se pourrit au contact de l’air
Mais méta artistique.

Ecrire sur.

Espérer la tristesse et l’approximation
Ne jamais se contenter des mots qui dénotent ce qu’ils disent.
Remplacer indéfiniment une idée par une autre dans un plan structurel. Affirmer
En même temps que rien
N’existe. Que toute chose est relative, enfin. Et se complaire dans ce demi malheur.
Ne plus vouloir classer les choses logiquement. Séparer au Hasard, comme l’Abîme du Ciel.

Prince clément, or vous plaise sçavoir
Que j’ai tout vu mais n’ai science ne sçavoir

Et puis dormir, rien de plus.

Travailler par obsession puis goûter la moiteur d’un repos apathique.
ne pas être pourtant passionné
être convaincu de son incompétence
en souffrir, l’adorer.
Ne faire les choses qu’à moitié et rêver de l’autre
sans la réaliser.
Détester les émissions télévisées sur la littérature
Détester la littérature, mais en faire son métier
Sans l’avoir voulu
Mépriser tous ces fades humains, se reconnaître en eux.
Ne pas être laborieux.
Se reposer.
Dormir, rien de plus.
Croire en l’inspiration. La laisser s’évaporer.
Manger. Vomir. Ne plus manger.
Rêver d’une maigreur extrême & détester
la chair.
Ne pouvoir s’en passer, pourtant,
rien de plus.
Avoir vu ce que j’ai vu
Et voir ce que je vois…

XII

Rampants sociaux qui écoutez parfois la voix de vos semblables
contemplez la rancœur d’une vie cachée sortir
en spasmes reculés sur une feuille quadrillée

XIII

Oh qu’on me laisse lassée écrire
sans me juger.

XIV

Que je hais le bonheur stérile et enivrant
Bah, j’apprendrai bien à être seule aussi.
Que je sois qu’une fois ce que je voudrais être
Et j’en mourrai sûrement

XV

Je reprends

Je reprends : Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.
Ah il s’agirait pourtant d’être enfin quelqu’un d’autre.
Il s’agirait enfin d’écrire
Moins narrativement.
Il s’agirait d’oublier cette peur et ces spasmes ces spasmes et ne rien dire de soi, pour l’épure d’une œuvre musicale.
Mais en hordes reviennent les pensées oubliées
Mais en horde se presse la monotonie de la vie qui m’oppresse. Et je me love dans l’atténuation.

Et voilà ce que sont ces poésies bourgeoises : des demi narrations à peine poétiques qui ne parlent que d’elles
Et se réfractent un peu
Dans leur ombre incertaine.



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Rêve de Poe, de Baudelaire... Rien d'original (mais tout n'a-t-il pas été dit, et ce depuis le début du langage?) à avoir pour rêve d'aligner des pensées oubliées, de mettre un coeur d'humain à nu, en phrases mélodiques.
Il faut recommencer courageusement ce qui a été esquissé. Humains décadents, lisez encore une fois quelques bribes d'inutile avant d'agoniser dans un spasme ultime de notre ère d'analystes.