Le soupir d'une gare
La gare,
Cette triste grande dame de suie
Et de vert-de-gris
Immense antre de métal
Percée par l'hydre des chemins de fer.
De la tempête de ses wagons bringuebalants
Heurtée à des myriades de gens
circulent des flots
De souvenirs et d'avenirs.
La rage désespérée d'une gare
Tantôt calmée par des rayons de sourires
Tantôt accrue par une mousson de pleurs.
Ô triste gare, gorgée d'émotions confuses,
Monet, ton avocat, sut dépeindre ta tristesse !
Tes trains s'enfoncent dans ta chair froide
Tels des dagues dans le coeur d'une innocente,
Où des coulées de charbon pâteux
Suintent de ton corps affaibli.
Et toi, grande et ravagée,
Demeures inerte au milieu de la ville joyeuse.
Toi,
Victime,
Criblée de la tristesse du monde,
Comme ton costume d'apparat
Majestueux de ses vitraux enfumés
Se voit taché par les sanglots du temps !