J'ai la prétention,
en ce lieu profanatoire
de rendre hommage
aux seuls qui le méritent:
les poètes, race maudite,
qui le temps d'un vers
ou le temps d'une vie,
ont touché la Lumière.
Mon ami Charles
ne me pardonnerait pas
d'être aussi magnanime
envers un troupeau d'imbécilles.
Pourtant il se pourrait que
cette simple gratitude agisse
comme les coups sur le mendiant
et redonne à quelqu'un
ou quelqu'une
un tant soit peu de dignité.
Je marche ici sur
des têtes aux yeux trops étroits
pour lancer leur désespérance
quand leur corps est figé
dans d'éternels sables mouvants .
Je veux les enfoncer
un peu plus
pour abréger leur inutilité
et leur vaine agonie
puisqu'ils ne veulent pas
choisir un sens.
Je ne peux tolérer cette indécision:
l'enfer est mille fois plus agréable.
Pourquoi ne pas bouger,
il y a une chance sur deux.
Le Paradis ne vaut-il pas ce risque?
Alors, accélérons la fin !
Et voilà que pour ceux-là
Les ténèbres deviennent dictame.
Et je n'éprouve aucun remord
d'être bourreau...d'un animal
qu'on rend à sa nature.
Il n'est pas un tombeau
qui puisse les accueillir!
Une voix au loin appelle.
C'est une plainte,
un petit sanglot,
la gémissement fou d'un esprit
qui n'est pas en Eden
mais dans le désert de son choix.
C'est pour celui ou celle-là
que je vous ferai revivre,
pour que cette gorge
qui encore articule
quelques bribes de souvenirs
et que l'infernal oubli menace,
parce que celui ou celle-là
n'a guère plus de temps
pour que je puisse
inverser encore
les plateaux d'une balance
qui ne reste que quelques instants
immobile
avant de choisir sa sentence.
Je le ou la ramènerai
Je te ramènerai
dans le bleu du Jardin.
J.M.