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Aux seuls qui méritent un regard

Posté par Moriarty, 07 septembre 2008 · 317 visite(s)



J'ai la prétention,

en ce lieu profanatoire

de rendre hommage

aux seuls qui le méritent:

les poètes, race maudite,

qui le temps d'un vers

ou le temps d'une vie,

ont touché la Lumière.


Mon ami Charles

ne me pardonnerait pas

d'être aussi magnanime

envers un troupeau d'imbécilles.

Pourtant il se pourrait que

cette simple gratitude agisse

comme les coups sur le mendiant

et redonne à quelqu'un

ou quelqu'une

un tant soit peu de dignité.




Je marche ici sur

des têtes aux yeux trops étroits

pour lancer leur désespérance

quand leur corps est figé

dans d'éternels sables mouvants .

Je veux les enfoncer

un peu plus

pour abréger leur inutilité

et leur vaine agonie

puisqu'ils ne veulent pas

choisir un sens.



Je ne peux tolérer cette indécision:

l'enfer est mille fois plus agréable.

Pourquoi ne pas bouger,

il y a une chance sur deux.

Le Paradis ne vaut-il pas ce risque?

Alors, accélérons la fin !

Et voilà que pour ceux-là

Les ténèbres deviennent dictame.

Et je n'éprouve aucun remord


d'être bourreau...d'un animal

qu'on rend à sa nature.

Il n'est pas un tombeau

qui puisse les accueillir!



Une voix au loin appelle.

C'est une plainte,

un petit sanglot,

la gémissement fou d'un esprit


qui n'est pas en Eden

mais dans le désert de son choix.

C'est pour celui ou celle-là

que je vous ferai revivre,

pour que cette gorge

qui encore articule

quelques bribes de souvenirs

et que l'infernal oubli menace,



parce que celui ou celle-là

n'a guère plus de temps

pour que je puisse

inverser encore

les plateaux d'une balance

qui ne reste que quelques instants

immobile

avant de choisir sa sentence.



Je le ou la ramènerai

Je te ramènerai

dans le bleu du Jardin.



J.M.











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Pascal Quignard - Abîmes


ABÎMES
CHAPITRE XXXIV


urieusement je n'avais jamais regretté un monde. Je n'ai jamais ressenti le désir de vivre dans une époque qui fût ancienne. Je ne puis me désancrer des possibilités actuelles d'inventaire, de disponibilité livresque, d'idéal fracassé, de la sédimentation de l'horreur, de cruauté érudite, de recherche, de science, de lucidité, de clarté.
Jamais le spectacle de la nature sur la terre, étant devenu si rare, n'a été si poignant.
Jamais les langues naturelles ne furent à ce point dévoilées à elles-mêmes dans leur substance involontaire.
Jamais le passé n'a été aussi grand et la lumière plus profonde, plus glaçante. Une lumière de montagne ou d'abîme. Jamais le relief ne fut plus accusé.

La dictée de Mérimée

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.

Les pas - Paul Valéry



Les pas



Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.

Personne pure, ombre divine,
Qu'ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !... tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !


Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l'apaiser,
A l'habitant de mes pensées
La nourriture d'un baiser,


Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d'être et de n'être pas,
Car j'ai vécu de vous attendre,
Et mon coeur n'était que vos pas.
Paul Valéry
Extrait de
Poésies - Charmes
éd. Poésie/Gallimard