Aller au contenu





Je me voulais événement.

Posté par Jomico, 12 novembre 2008 · 727 visite(s)

Je m'imaginais partition.

J'étais gauche.

La tête de mort qui, contre mon gré, remplaçait la pomme que je portais fréquement à la bouche, n'était aperçue que de moi. Je me mettais à l'écart pour mordre correctement la chose. Comme on ne déambule pas, comme on ne peut prétendre à l'amour avec un tel fruit aux dents, je me décidais, quand j'avais faim, à lui donner le nom de pomme.

Je ne fus plus inquiété. Ce n'est que plus tard que l'objet de mon embarras m'apparut sous les traits ruisselants et tout aussi ambigus de poème.

Mais je dois revenir quelque peu en arrière.

Je suis toujours enfant, je dessine avec soin de longs chemins de fer et des bateaux dansant sur la vague acccentuée ainsi qu'un vol de mouettes autour du sémaphore et des châteaux carrés munis de leur girouette des soldats et des forts.

Je suçais des bonbons pendant que mon père aux prospères finances accumulaient des bons de Panama du trois pour cent de l'emprunt de la Russie et du quat'sous-papier.
Mon frère un peu plus âgé barbotait dans la caisse.
On m'apprit la morale et les bonnes façons.
Je respectais toujours cette loi familiale et connus les boxons.

Il faut que je me souvienne ...

Lorsque enfant j'étais enfant, je marchais les bras ballants, je voulais que le ruisseau soit rivière et la rivière fleuve, que cette flaque soit la mer.
Je ne savais pas que j'étais enfant, tout pour moi avait une âme et toutes les âmes étaient une.
Je n'avais d'opinion sur rien, je n'avais pas d'habitudes, je m'asseyais en tailleur, démarrais en courant, j'avais une mèche rebelle et ne faisais pas mine quand on me photographiait.


Lorsque j'étais enfant se fut le temps des questions suivantes : pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ? Pourquoi suis-je ici et pourquoi pas là ? Quand a commencé le temps et où finit l'espace ? La vie sous le soleil n'est-elle pas qu'un rêve ?

Je ne vous vois pas, mais je sais que vous êtes là.

Ce que je vois, entends, sens, n'est-ce pas simplement l'apparence d'un monde devant le monde ? Le mal existe-t-il vraiment et des gens qui sont vraiment les mauvais ? Comment se fait-il que moi, qui suis moi, avant de devenir je n'étais pas, et qu'un jour moi, qui suis moi, je ne serai pas ce moi que je suis ?

Lorsque j'étais enfant, je me gavais d'épinards, de petits pois, de riz au lait et de chou-fleur bouilli, aujourd'hui aussi.
Lorsque j'étais enfant, je me suis réveillé un jour dans un lit inconnu, et à présent ça m'arrive toujours, beaucoup de gens me praissaient beaux, et à présent ça n'arrive plus que par chance, il y avait une image claire du paradis, et à présent je le devine tout au plus, ne pouvant imaginer un néant, et aujourd'hui je tremble à cette idée.
Lorsque j'étais enfant, je jouais avec enthousiasme, et à présent, je suis à mon affaire comme jadis seulement quand cette affaire est mon travail.
Lorsque j'étais enfant, les pommes et le pain suffisaient à me nourrir, et il en est toujours ainsi. Lorsque j'étais enfant, les baies tombaient dans ma main comme seules tombent des baies, et c'est toujours ainsi. Les noix fraîches m'irritaient la langue, et c'est toujours ainsi, sur chaque montagne j'avais le désir d'une montagne encore plus haute, et dans chaque ville le désir d'une ville plus grande encore, et il en est toujours ainsi. Dans l'arbre je tendais les bras vers les cerises, exalté comme aujourd'hui encore, intimidé par les inconnus et je le suis toujours. J'attendais la première neige et j'attends toujours.
Lorsque j'étais enfant, je lançais un bâton contre un arbre, comme une lance, et elle y vibre toujours. Elle n'est pas partie, je le sais, je la retrouverai, quelque chose arrivera, qui comptera.

Elle m'apprendra tout.

J'ai vu passer matin et soir, et j'attends ...

Il a fallu longtemps pour que le fleuve trouve son lit, que l'eau stagnante se mette à couler.
Vallée du fleuve primitif ! Un jour, je me souviens encore, le glacier a vêlé et les glaces ont fait route vers le nord.
Un arbre passa, encore vert, avec un nid vide.

Pendant des myriades d'années, seuls les poissons bondirent ! Puis vint le moment où l'essaim d'abeilles se noya ...
Après les deux cerfs se sont battus sur cette rive ... Puis la nuée de mouches, et les ramures, descendirent le fleuve comme des branches. Seule l'herbe s'est toujours redressée, poussant sur les cadavres des chats sauvages, des sangliers, des buffles.

Je me souviens comme un matin est sorti de la savane, l'herbe collant au front, l'être à notre image, longtemps attendu, le bipède, dont le premier mot a été un cri ou un simple gémissement ?
Nous avons pu rire de cet homme, pour la première fois, et de son cri, de l'appel de son successeur, nous avons appris à parler.

Une longue histoire !

Le soleil, les éclairs, le tonnerre dans le ciel, et en bas, sur terre, les feux, les bonds, les rondes, les signes, l'écriture.
Puis l'un d'eux jaillit du cercle et courut droit devant lui. Tant qu'il courait tout droit, obliquant parfois peut-être de jubilation, il semblait libre, et nous avons pu en rire avec lui. Mais alors, soudain, il courut en zigzag, et les pierres volèrent. Avec sa fuite commençait une autre histoire, l'histoire des guerres.

Elle dure à ce jour.

Mais la première aussi, celle de l'herbe, du soleil, celle des bonds et des cris, dure encore !


Lever du soleil 7h22, coucher 16h28, lever de la lune 19h04, coucher ...


Il y a vingt ans aujourd'hui, un avion soviétique s'écrasait à Spandau, dans le lac.
Il y a cinquante ans, c'était ... L'Olympiade
Il y a cent cinquante ans naissait le Protocole des Sages.
Il y a deux cents ans, François Blanchard survolait Berlin en ballon.

J'ai ralenti le pas et regardé par-dessus mon épaule, dans le vide .

Dans les collines un vieillard lisait l'Odyssée à un enfant, et son petit auditeur a cessé de cligner des yeux.
Une passante qui sous la pluie, a fermé son parapluie d'un coup sec et s'est laissée tremper.
Un écolier qui décrivait à son maître comment une fougère sort de terre, et le maître étonné ...
Un aveugle qui a cherché des mains sa montre en percevant ma présence ...
Merveille de vivre en esprit et d'attester pour l'éternité le spirituel, rien que le spirituel des gens.

Pouvoir, à chaque pas, à chaque coup de vent, dire :

" Maintenant, maintenant, maintenant "
En rentrant d'une longue journée, nourrir le chat comme Philip Marlowe, avoir les doigts noircis par le journal, de ne plus être exalté par l'esprit, mais par un repas, par la courbe d'une nuque, par une oreille.

Mentir ! Comme on respire !

Deviner enfin, au lieu de toujours tout savoir, et pouvoir aussi s'éxalter pour le mal :
En croisant les passants, attirer à soi tous les démons de la terre, et les chasser dans le monde !
Être un sauvage ! Ou enfin sentir ce que c'est d'enlever ses chaussures sous la table et d'étirer les orteils, pieds nus.

Rester seul ! Laisser survenir ! Garder son sérieux !

Nous ne pouvons être sauvages qu'en gardant son sérieux. Ne rien faire que regarder, rassembler, attester, conserver !

Rester esprit ! Garder la distance ! Rester en parole !

Walter Benjamin acheta en 1921 une aquarelle de Paul Klee ...
Raconte, muse, le conteur, l'enfantin, l'antique, dérivé au bord du monde, et fait qu'en lui se reconnaisse chaque homme.

Pourquoi est-ce que je vis ?

Je suis perdu, mais ça peut encore durer. Je pourrai me gifler en me voyant dans la glace.
Je suis encore là ... Si je le veux, si seulement je le veux ... Je dois vouloir ...
Il y a quelques jours, il y a un mois ...
Je suis tout seul, je fais la gueule ...

Ne plus penser à rien.

Les couleurs. Néons dans le ciel noir. Métro aérien rouge et jaune. Ca ne peut pas être si simple, j'ai encore tant à faire ...

Des brumes dans le soleil ...

L'Orient lointain. Le Grand Nord. L'Ouest sauvage. Le Grand Lac de l'Ours. Les îles Tristan Da Cunha. Le delta du Mississipi. Stromboli. Les vieilles maisons de Charlottenburg.
La lumière du matin. La joie de lever la tête vers la lumière, au grand air, la joie du soleil, inondant les couleurs des yeux des gens ...
Le bain dans la cascade. Les tâches des premières gouttes de pluies. Le soleil. Le pain et le vin. Le saut à cloche-pied. La fête de Pâques. Les veines des feuilles. L'herbe ondoyante. Les couleurs des pierres. Les galets sur le lit du ruisseau. La nappe blanche au grand air. Le rêve de la maison dans la maison.
Le prochain qui dort dans la pièce voisine. La paix du dimanche. L'horizon. La lumière de la chambre dans le jardin. Le vol de la nuit. Le vélo sans les mains.

Le regard de l'enfant ...

Il s'appelait ...

Emil Jannings ... Kennedy ... Albert Camus ... Von Stauffenberg. C'était à Tokyo, Kyoto, Paris, Londres, Trieste, Berlin ... Toujours la même odeur. Mais plus poussiéreux.

Le monde paraît se noyer dans le crépuscule, mais je raconte, comme au début, dans ma monodie qui me soutient, par le récit épargné des troubles du passé et protégé pour l'avenir ...

Quand allez-vous prier avec vos propres mots, et pas pour la vie éternelle ?


Si vous êtes là, les yeux ouverts sur ces lignes, c'est que vous êtes nés.
Est-ce que vous êtes dedans ? Dans votre corps ?
Une pensée dans un corps.
Une saison en enfer.
Du corps au néant

Le monde appartient aux femmes ... Et les hommes ?
Ecume, insectes, gestionnaires abusés ... Muscles trompeurs, énergie substituée ...

Ne pouvant m'empêcher de penser continuellement aux femmes, je ne pouvais faire autre chose en même temps que repasser jour et nuit dans ma tête toutes ces idées de débauches, de faux amours et de trahisons féminines. Posséder une femme, c'était aimer ; or, je ne songeais qu'aux femmes.

Qui suis-je vraiment ? Peu importe. Mieux vaut que je reste dans l'ombre.

Enfin seul !

Je sens, un si profond dégoût de moi-même, je me trouve si triste, si dégradé à mes propres yeux, qu'une tentation horrible s'empara de moi au premier mouvement. De décrocher une arme, de l'apprêter, dans le froid même du fer, il semble qu'il y avait une horreur matérielle, indépendante de la volonté ; les doigts se préparant avec angoisse, le bras se raidit.

Quiconque marche vers la mort, la nature recule en lui ...
La tristesse n'est pas le désespoir.

La lutte qui se faisait en moi, les réflexions poignantes qui m'accablaient, le dégoût, la crainte, la colère même (car je ressens mille choses à la fois), toutes ces puissances fatales me clouaient sur mon lit.
Et ma fenêtre, traverse un rayon de midi par une journée sans importance ...
Tandis que je suis en proie au plus dangereux délire, la créature, penchée devant le miroir, ne pensait qu'à ajuster de son mieux sa robe, et se coiffait en souriant le plus tranquillement du monde.

Le monde avait raison contre moi ...

Et d'une part, que pouvais-je lui répondre ? A quoi me rattacher ? En quoi me renfermer ? Que faire, lorsque le centre de ma vie, mon coeur lui-même, était ruiné, tué, anéanti ?

Mais il faut avancer, toujours avancer ...

Vous sentez dans votre dos le canon du revolver qui vous commande de déguerpir, plus vite, encore plus vite. Mais quels sont ces démons qui vous ressemblent qui parlent votre langage, s'habillent, se nourrissent de la même façon, et qui vous traquent comme une meute de chiens ? Ne sont-ils pas les pires ennemis que puissent avoir un homme ?

Cela en est fini du grand souffle de jadis, du va et vient à travers les siècles.

Je ne peux plus penser qu'au jour le jour.

Mes héros ne sont plus les guerriers et les rois, mais les choses de la paix, toutes égales entre elles, les oignons qui sèchent valant le tronc d'arbre. Mais nul n'a encore réussi à chanter une épopée de la paix. Pourquoi la paix ne peut-elle pas exalter à la longue, ne se laisse-t-elle pas raconter ? Renoncer ? Si je renonce, l'humanité perdra son conteur. Et si jamais l'humanité perd son conteur, elle perd du même coup son enfance. Où sont mes héros ? Muse, le pauvre chantre immortel qui, abandonné des mortels qui l'écoutaient, perdit la voix : lui qui, de l'ange du récit qu'il était, devint l'aède ignoré ou raillé au-dehors, sur le seuil du " No Man's Land ". Reste-t-il des frontières ? Plus que jamais ! Chaque rue a sa propre barrière. Entre les lignes, il y a un terrain vague, camouflé par une haie ou un fossé. On y tombe sur des chevaux de frise, on est frappé par des rayons laser. Les truites dans l'eau sont des torpilles. Chaque maître de maison, chaque propriétaire, cloue son nom sur la porte et étudie le journal comme un maître du monde.

Hitler avait un double, ou ... Il y avait deux Hitler ? Non. Hitler est revenu du front de l'est et ... Il est mort avant d'atterrir dans les Alpes. Et Goebbels a fait jouer Hitler par un acteur. Pour empêcher qu'on sache ...

Qu'est-ce qu'il y a, pourquoi mes pensées s'égarent-elles ?

La seule chose qui me manquera du dehors, du royaume de la lumière, ce seront les moineaux.

L'argent fait le bonheur.

Comment vivre ?

Le vent dans le visage, le premier air enneigé, l'eau dans la rigole, le balcon avec la belle étrangère ...
Ils prenaient la bouffe des chiens, dans les camps.
Quand était-ce donc ?
L'étoile jaune signifie la mort. Pourquoi ont-ils choisi le jaune ?
Tournesols. Van Gogh s'est suicidé.

Qu'est-ce qu'il y a, la vie ...
Si je ne l'avais pas, elle me manquerait.

Lorsque enfant j'étais enfant ...

J'avais récité des poèmes ... Et à lire des journaux bien avant d'aller à l'école primaire. Mais je fus renvoyé plusieurs fois pour indiscipline. Il me semblait que j'avais pour seule mission, durant ma vie scolaire, de ridiculiser les professeurs et les programmes. Tout était trop facile et stupide à mes yeux. J'avais le sentiment d'être un singe savant.

A treize ans, j'étais arrivé à mépriser tout ce qui m'entourait, à me couper peu à peu de mes amis, à m'affubler d'un caractère solitaire et excentrique qui vous fait qualifier d'individu " bizarre."

Je devenais malheureux, morne, misérable, découragé. Seul un changement radical de milieu semblait capable de mette fin à cette attitude permanente.
Mes premières escapades furent toujours catastrophiques. De gré ou de force, je revenais toujours à la maison, le désespoir au coeur. Il semblait n'y avoir aucune issue, ni l'occasion d'une délivrance. Je n'adonnais aux tâches les plus saugrenues, bref à tout ce à quoi j'étais inapte. J'avais ce désir, lorsque je m'échappais de chez moi, de mener une vie de plein air, de ne plus ouvrir un livre de mes mains.

Cependant mon langage et mes idées ne cessaient de me trahir.

Capable pourtant de fréquenter la plupart des gens, surtout l'homme du peuple, je devenais toujours suspect. Quelque fois, il me semblait que tout ce qui constituait la vie et en découlait m'était défendu. Naturellement, j'étais coupable des plus violents réquisitoires.
J'étais dénué de principe, de loyauté, de toute règle de vie ; quand ça me chantait, je pouvais manquer tout à fait de scrupules envers les autres.
Torts et insultes payaient généralement les bontés que l'on avait pour moi.
J'étais insolent, arrogant, intolérant avec de violents partis pris, et d'une obstination impitoyable.
Pourtant on m'appréciait beaucoup, le charme et l'enthousiasme que je dispensais paraissaient me faire pardonner volontiers mes défauts. Mais cela ne servait qu'à m'inciter à prendre davantage de libertés. Souvent, je me demandais comment je réussissais à m'en tirer ainsi. Les gens que je prenais le plus de plaisir à insulter et à léser étaient ceux qui se croyaient supérieurs à moi d'une façon ou d'une autre.
Au demeurant, j'étais ce qu'on peut appeler un bon garçon, d'un naturel tendre, joyeux, j'avais le coeur sur la main.
Mais rapidement je fus possédé du démon de la révolte.

J'ai été assez longtemps au-dehors. Assez longtemps absent. Assez longtemps hors du monde. En avant dans l'histoire du monde, même pour tenir une pomme dans la main !

Voir les plumes, là-bas sur l'eau, déjà disparues. Voir, les traces de frein sur l'asphalte, le mégot qui roule, le fleuve primitif qui se tarit, et seules les flaques du présent frémissent encore ... Seules les voies romaines mènent encore au loin, seules les traces les plus anciennes mènent plus loin.

Pourquoi tous ne voient-ils pas dès l'enfance les passages, portes et interstices, en bas sur terre et en haut au ciel ? Si chacun les voyait, il y aurait une histoire sans meurtre ni guerre.

Le temps signifie sucession, et la succession, changement : l'éternité doit donc inévitablement déranger les horaires du sentiment.

Il suffisait que je puisse trouver un art plexiforme de la beauté sur un avion volant à haute altitude réfléchie sur un visage laid et rude ... Il suffisait que je m'élève sur la mer ... Il me faut maintenant tenter ce que personne n'a tenté. Il me faut faire ce que personne n'a fait. Ce qui se passe dans le cerveau du poète né ; exécuter des mots, je laisse tomber ma plume ...









Avril 2025

D L M M J V S
  12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
272829 30    

Derniers billets

Ma photo